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tout exprès : alors, en effet, les acquittemens devinrent rares ; la chasse aux esclaves devint un commerce. On vit de vrais négriers, les slaves-catchers, parcourir en conquérans les états libres, emmenant des troupeaux d’hommes. On vit des artisans, des laboureurs, citoyens paisibles, anciens habitans du pays, saisis dans leurs maisons, traînés dans les ports du sud, vendus à l’enchère comme des bêtes. Le sud avait, sous une autre forme, ressuscité la traite, et il la faisait au nom de la loi dans un pays civilisé. Voilà pourtant les indignités que les états du nord ont patiemment supportées ! Et l’on ose dire qu’ils oppriment les états du sud !

Mais revenons au Court-house. Vous savez comment la justice est élue dans la plupart des états de l’ouest : le peuple, en renouvelant chaque année son gouvernement, renouvelle en même temps la magistrature, soit directement et par un vote explicite, soit indirectement, par l’élection d’un gouverneur qui y loge ses créatures. De toutes façons, la justice n’échappe pas plus que l’administration ou la législature élective à l’influence souveraine des partis politiques, et il n’y a que l’universel usage du jury qui puisse rendre tolérable une aussi mauvaise institution. Il n’en est pas de même dans le Massachusetts ; la justice n’y est pas livrée au hasard des passions populaires et mise comme une conquête à la remorque des partis. On n’y voit point ce scandale ni cette absurdité de juges réélus tous les cinq ou tous les deux ans, quelques-uns même chaque année, par ceux même qu’ils doivent juger. Les magistrats sont nommés par le gouverneur, qui ne peut plus les dépouiller de leur rang. Ils ne sont pas cependant inamovibles, et le principe démocratique a aussi sa part dans ce système ingénieux : c’est d’abord l’approbation nécessaire de la législature qui confirme le choix du gouverneur, ensuite le droit qu’ont les deux chambres de prononcer, après discussion, la déchéance du juge pour cause d’indignité. Le système judiciaire de l’état se compose de quatre degrés hiérarchiques : les justices de paix, les tribunaux correctionnels, qui sont en même temps tribunaux pour dettes, et jugent sans jury, séance tenante, les affaires insignifiantes ; les cours supérieures de comté, qui sont assistées d’un jury ; et jouent le rôle de nos cours d’appel ; enfin la cour suprême de l’état, dont le juge unique siège tour à tour dans les divers comtés, avec l’assistance d’un juge adjoint du comté, qui lui prépare et lui expose les affaires. La cour suprême joue à peu près le même rôle que notre cour de cassation, prononçant sur les questions de droit seulement, sans toutefois que ses décisions soient générales ni qu’elles obligent l’avenir. Les accusations de crime vont droit à la cour suprême, qui s’adjoint alors un jury.

J’entrai d’abord au tribunal correctionnel : on y jugeait une