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de sang, tout accusait en eux les meurtriers des victimes de Ximenès. Lorsque leurs noms eurent été inscrits et que l’interrogatoire : eut été achevé, ils se placèrent sur un rang où ils attendirent bravement la mort. Grâce fut faite à un seul qui demanda la parole au moment suprême. C’était un peon enlevé de force par les guérillas et qui avait été contraint de les suivre. Renseignemens pris auprès des conducteurs de voitures que nous reconnûmes, on lui pardonna, et plus tard, à Vittoria, il fut élevé au grade de jardinier sur un petit coin de terre réservé où se semaient les légumes destinés à la nourriture des malades de la contre-guérilla. Dix cadavres tombèrent et restèrent sans sépulture ; les pièces étaient reprises, les chevaux des condamnés remplacèrent nos montures les plus épuisées, et le soir même San-Carlos, au pied duquel nous allions bivouaquer, apprenait par ses fuyards le sort de ses partisans.

Dans la nuit, le colonel Du Pin nous avisait qu’il était sorti lui-même avec de l’infanterie pour couvrir Guemès, que Mendez menaçait de San-Juan, où il avait pénétré. Le lendemain, nos escadrons couchaient à l’hacienda de San-Juan, où ne restaient que des familles éplorées. La veille au matin, Mendez, à la tête d’une partie de sa guérilla, avait fait irruption, et au moment même où les siens tombaient à trente lieues de là, il pendait le majordome, le vieil escribano et nos deux guides. Chevaux et voitures avaient disparu ; de plus quarante Indiens peones, pris au lasso, avaient été emmenés comme recrues. C’était là le premier avertissement donné par le général Carbajal à son cousin La Serna, qui, penchant encore entre la cause juariste et le régime impérial, finit par accepter la présidence de la grande junta convoquée à Vittoria pour le 15 novembre 1864 ; cette junta devait réunir tous les notables du Tamaulipas, appelés à discuter les intérêts de leur état. Le 3 novembre, le capitaine Isabey, après avoir si bien réussi, ramenait les escadrons à Vittoria ; la cavalerie avait ainsi parcouru soixante-sept lieues en quatre nuits et quatre jours. Cette course donner une idée des services que peut rendre le cheval du Tamaulipas.


V

Les nouvelles qui suivirent ces événemens furent très fâcheuses. Les deux officiers de la contre-guérilla française retenus à Tampico par les besoins du service avaient succombé au vomito, 87soldats faisant partie de nos 300 Africains récemment débarqués, en quelques jours d’épidémie, avaient été aussi enlevés par le fléau, qui décimait plus encore la population indigène. Le reste du