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Malmesbury au sujet de cette mesure, il suffirait, pour la constater, de dire que cette loi, toute votée qu’elle fut par le corps législatif, n’a jamais été transformée en sénatus-consulte ni insérée au Bulletin des lois. Pourtant nous avons une preuve plus directe encore de la bonne volonté du gouvernement français lorsqu’il donna l’assurance à lord Malmesbury que cette loi serait abandonnée (would not be persevered in). Nous lisons en effet, à la page 56 de la table analytique des procès-verbaux du corps législatif pour la session de 1852, la note suivante, relative à cette loi même : « ce projet de loi envoyé au sénat après le vote du corps législatif en a été retiré par le gouvernement. » S’il dépendait cependant du gouvernement français de renoncer à une loi adoptée par le conseil d’état et votée à la presque unanimité par le corps législatif pour calmer les scrupules de la chambre des lords, il n’était pas aussi facile à lord Malmesbury d’obtenir en retour la sanction parlementaire pour cette convention de 1852 qui avait soulevé de telles difficultés et si vivement ému l’esprit public. Il y renonça donc ; le sacrifice de la loi du 4 juin fut inutile, et la convention de 1843 continua de servir de règle ou, si l’on veut, d’obstacle aux demandes d’extradition entre la France et l’Angleterre.

Voilà l’état présent des choses, et grâce à l’expérience de 1852 le gouvernement français a pu mesurer d’avance les difficultés qu’il doit rencontrer sur son chemin en essayant de nouveau de le changer ; mais y a-t-il urgence de changer à tout prix cet état de choses ? est-il d’ailleurs réellement aussi intolérable qu’on l’assure ? Si la convention de 1843 est une lettre morte en ce qui concerne l’extradition de nos nationaux, à qui la faute ? Et qui peut prétendre qu’il en serait ainsi un seul jour de plus, si, acceptant et pratiquant cette convention dans son esprit aussi bien que selon sa lettre, notre gouvernement se résignait enfin à établir un prima facie case contre l’accusé qu’il croit avoir un intérêt public à réclamer ? Où est la difficulté d’exécution en pareille matière, et, pour nous en tenir à l’exemple cité dans la dépêche du 29 novembre 1865, qui peut douter qu’un agent français partant pour Calcutta avec les pièces authentiques ou certifiées conformes de l’instruction n’eût ramené Teissier prisonnier à Marseille ? Or ce qu’on pouvait faire pour Teissier, quel est l’accusé réclamé pour lequel on ne soit aussi aisément en état de le faire ? Nous devons supposer en effet, à moins de mettre en doute le bon sens ou l’intégrité de notre magistrature, que le mandat d’arrêt signé par un juge français n’a pas été lancé sans un commencement de preuves, que certains indices ont été recueillis, certaines charges établies, certaines dépositions faites sous la foi du serment et consacrées par des procès-verbaux authentiques ; en un mot, il existe déjà chez nous un