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de prisonniers, documens publiés par plusieurs journaux étrangers et français. Nous voudrions que la lettre attribuée au maréchal eût été écrite : elle soulagerait la conscience française ; elle nous donnerait le droit d’espérer que l’armée française n’a jamais prêté d’exécuteurs au décret du 3 octobre. Il est enfin nécessaire qu’une récapitulation des dépenses que nous a coûtées l’entreprise du Mexique soit établie contradictoirement dans notre corps législatif, et que l’on y jette aussi un regard assuré sur les perspectives financières qu’ouvrira la fin de notre expédition.

L’Angleterre vient de recommencer sa vie parlementaire. Une circonstance touchante a marqué l’ouverture des chambres. La reine a inauguré la session. C’est la première fois depuis la mort du prince Albert que la reine Victoria a consenti à remplir cette fonction de la couronne constitutionnelle. L’épreuve était douloureuse pour cette princesse : elle lui rappelait d’une façon poignante sa solitude vis-à-vis de la nation. La reine n’a point prononcé le discours ; elle en a écouté la lecture, assez mal bredouillée par le lord-chancelier, les yeux baissés, la physionomie empreinte de douleur. Le public anglais a su gré à la reine du courage avec lequel elle a accompli sa douloureuse tâche. La première journée de la session a été d’ailleurs assez maussade. Le discours du trône, qui, comme on sait, parcourt succinctement toutes les affaires qu’a l’Angleterre à la surface du globe, n’a pas fourni à la discussion de l’adresse le thème superficiel qu’il lui offre ordinairement. La discussion à la chambre des lords et moins encore à la chambre des communes, où par extraordinaire elle a duré deux jours, n’a point imité le discours de la couronne : elle n’a pas fait le tour du monde ; elle s’est concentrée sur le fléau dont souffre cruellement l’Angleterre, la maladie des bêtes à cornes, la cattle-plague. Le ministère a reçu des coups de tous les côtés dans cette morose bataille. Lord Derby à la chambre des lords, M. Lowe et lord Cranbourne (l’ancien lord Robert Cecil) dans la chambre des communes ont attribué la durée et l’aggravation du fléau aux mesures mal concertées et aux hésitations du cabinet. Après la grande victoire qu’il a remportée dans les élections, il semble que le parti libéral, fier de sa majorité triomphante, eût dû signaler par sa belle humeur sa première réunion. Il n’en a rien été. Cependant le comte Russell a l’air de vouloir aborder sa carrière ministérielle en donnant au parti libéral déterminé tous les gages qui peuvent le satisfaire. Il vient notamment de recomposer son administration avec une hardiesse qu’on n’attendait pas de lui. On reprochait ordinairement aux whigs de constituer leurs cabinets en oligarchies patriciennes et de fermer systématiquement l’accès du pouvoir aux hommes jeunes, aux orateurs de talent qui n’étaient point de provenance aristocratique. Lord Russell a définitivement rompu avec cette routine. Il a introduit dans le cabinet M. Göschen ; il a rappelé dans l’administration M. Stansfeld, qui représentera le gouvernement de l’Inde à la chambre des communes ; il a donné une sous-