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secrétairerie au plus brillant des orateurs radicaux, M. Forster ; il a rallié ainsi à lui les hommes du parti libéral qui sont le plus en évidence. Il a résolu en même temps de proposer un projet de réforme parlementaire combiné dans des conditions qui ont paru satisfaisantes au grand agitateur consulté, M. Bright. Ceci fait, et M. Gladstone ayant la leadership de la chambre des communes, lord Russell a dû se croire en règle vis-à-vis du parti libéral et en mesure de diriger un gouvernement fort. Cependant les premiers symptômes apparens ne répondent guère à cette attente. Les questions de personnes et les questions politiques donnent lieu à des incertitudes. En s’adjoignant les membres les plus avancés du parti libéral, le premier ministre a laissé décidément en dehors du pouvoir des libéraux qui unissent un grand talent à des tendances assez conservatrices, — tels par exemple que MM. Lowe et Horsman, — qui paraissent devoir se montrer des adversaires redoutables du ministère dans la question, de la réforme parlementaire. On doute qu’il existe un accord parfait dans le cabinet ; on prétend que le ministre des affaires étrangères, lord Clarendon, est loin d’être un réformateur ardent, et on assure qu’il a fait une vive opposition à la rentrée de M. Stansfeld dans le cénacle ministériel. Ce qu’on connaît du projet de réforme de lord Russell est assez froidement accueilli : à toucher à la loi électorale, les Anglais aimeraient que ce fût une fois pour toutes, et qu’il n’y eût plus à remanier de longtemps l’institution fondamentale du système représentatif ; mais rien n’est plus compliqué que les lois électorales d’Angleterre, il n’y règne aucune harmonie préconçue, aucune unité préméditée. Le droit électoral est sorti des privilèges du système féodal, et il a pris les formes diverses, capricieuses et confuses des œuvres du moyen âge. On dirait un amas de constructions gothiques hétérogènes et de ruines enchevêtrées. C’est dans ce labyrinthe que les architectes politiques d’outre-Manche ont mission de préparer à la démocratie anglaise des logemens commodes, aérés, salubres et raisonnablement disposés. La tâche n’est guère aisée, et il est bien difficile de tenter dans ce glorieux et pittoresque fouillis des réparations sans courir le risque de tout détruire. Sans entrer dans le détail des choses, il y a deux grandes données du problème de la législation électorale anglaise, c’est le titre du suffrage, la condition de l’électorat d’une part, et de l’autre la répartition des sièges parlementaires entre la population du royaume-uni : à quel titre sera-t-on électeur ? comment les collèges électoraux seront-ils distribués ? Pour nous Français, amateurs des constructions neuves et de l’alignement, la question serait simple : chacun serait électeur aux mêmes conditions, et quant à la répartition des collèges, elle ne serait que le quotient approximatif du total des électeurs divisé par le nombre des places de députés dont la représentation parlementaire serait composée. Les Anglais ont horreur de cette logique égalitaire servie par une arithmétique inexorable. Ils ont des conditions, des qualifications, comme, ils disent, diverses