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papier-monnaie, d’émettre des billets remboursables à terme fixe, avec un intérêt de 5 à 6 pour 100 ; mais, bien loin de relever la masse pesante des émissions anciennes, ces nouveaux billets sont eux-mêmes entraînés et ramenés au taux commun. Ils circulent au même prix que les simples greenbacks. Que valent-ils en effet de plus que les autres ? Ils seront, à l’expiration du terme, remboursés en greenbacks des émissions précédentes, et l’intérêt qu’ils promettent n’en augmentera la valeur qu’à la veille du remboursement. — Les banques nationales sont aussi un moyen mal déguisé d’augmenter l’émission du papier-monnaie. Jusqu’à présent, bien que le congrès se fût réservé le droit virtuel de régler le système monétaire, l’anarchie la plus grande avait régné. Les banques se fondaient par milliers et émettaient un papier presque sans valeur, dont rien ne garantissait le remboursement qu’une réserve métallique ou foncière, ou de toute autre nature, ridiculement petite et souvent même illusoire par rapport à l’émission. On voyait des banques offrir pour garantie du blé, du coton ou des pommes de terre. Presque pas de village qui n’eût plusieurs banques, et elles inondaient le pays d’un numéraire qui n’aurait pas eu cours dans une société moins active, moins entreprenante, moins besoigneuse de moyens d’échange et moins confiante dans les ressources naturelles qui devaient, avec le temps, donner corps à toutes ces fictions. L’habitude donnait à ces billets innombrables toute leur valeur nominale. Rien n’en rendait la circulation obligatoire : on était libre de les refuser, de ne les prendre qu’à décompte, et dans ce chaos financier il s’était vu plus d’un naufrage. M. Chase, à la faveur de la guerre civile et de l’émission du papier-monnaie, conçut une révolution hardie, et se servit des dangers mêmes qui menaçaient les finances pour y établir l’ordre et l’unité. Profitant du crédit passager des doctrines républicaines et du mouvement centralisateur imprimé à l’opinion par la nécessité de défendre les pouvoirs nationaux, il entreprit de faire rentrer les banques sous le contrôle du gouvernement fédéral. Il n’essaya pas de rétablir violemment cette banque des États-Unis, violemment supprimée jadis par le président Jackson aux applaudissemens de l’école démocratique. Il voulut seulement, dans la perturbation générale apportée à l’ancien régime monétaire par le règne nouveau des assignats, amener les banques à rentrer d’elles-mêmes sous le joug de l’autorité fédérale et sous les lois uniformes du congrès. Du jour où le papier du trésor fut devenu monnaie légale, le papier des banques se trouva réduit à la valeur mobile des assignats et attaché à leur fortune. Cependant, comme elles conservaient leurs anciens capitaux, leurs réserves métalliques, et que la suspension des