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placemens de fonds. Leurs comptes sont vérifiés à chaque trimestre par des censeurs ou auditeurs des comptes (auditors) élus comme eux par le suffrage universel des membres.

Les bénéfices réalisés sont employés de la façon suivante : on prélève d’abord les frais d’administration, ensuite les intérêts dus aux prêteurs s’il y en a, puis tant pour cent afin de compenser la dépréciation subie par la fortune sociale, qui ne doit jamais descendre, puis encore les intérêts dus au capital souscrit, intérêts qui ne doivent jamais dépasser 5 pour 100. On fait avec le surplus les dépenses autorisées par le règlement, accroissement du fonds de roulement, achat de marchandises, placemens. Ce qui reste après tout cela subit encore un prélèvement de 2 1/2 en faveur de l’educational department, et ce n’est qu’à la suite de cette dernière soustraction qu’on répartit aux actionnaires le reliquat des bénéfices au prorata de leurs acquisitions pendant le trimestre. On aura une juste idée de l’importance des bénéfices de la société, si l’on se souvient qu’après avoir pourvu à tous les services et même au paiement des actions, aux dépenses d’approvisionnement, on distribue encore des dividendes dont se contenteraient les sociétés de capitalistes les plus prospères.

Il a fallu prévoir le cas où le comité d’administration se trouverait trop riche. Il peut alors payer les dettes de la société, si elle en a, augmenter le fonds de réserve, ou, ce qui revient à peu près au même, réduire proportionnellement le nombre des actions en commençant par rembourser les membres qui en possèdent le plus. Les dettes ne sont jamais contractées pour les affaires courantes, la loi fondamentale de toute société coopérative étant d’acheter et de vendre expressément au comptant.

Telles sont les règles principales qui ont assuré le succès des équitables pionniers de Rochdale. Les autres sociétés anglaises qui ont réussi se rapprochent plus ou moins du type que nous venons d’esquisser. Toutes considèrent comme absolument indispensable de vendre aux non-associés. C’est là en quelque sorte un point de l’évangile coopératif en Angleterre. Nous reconnaîtrons volontiers qu’il ne suffit pas d’avoir des règles bien faites ; il faut avant tout avoir des hommes. Il a fallu aux fondateurs de la première société une grande foi pour commencer, un grand courage pour persévérer, un grand bon sens pour reconnaître leurs erreurs, une véritable capacité d’hommes d’affaires pour acheter et placer à propos, une prudence consommée pour écarter toutes les discussions sociales et politiques, toutes les subtilités de sectaires qui auraient jeté la désunion parmi eux, une grande sagesse pour être restés purement et simplement ouvriers après avoir conquis l’aisance et même la célébrité. C’est que les équitables pionniers de Rochdale