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l’instruction donnée par les sectes (denominational system). L’état accordait aux ministres des différens cultes des subsides pour l’entretien des écoles dont ils conservaient la direction. Le local était bâti sur les terres de l’église et le maître nommé par les pasteurs. Le bureau de l’instruction (board of education) n’avait que le droit d’inspecter et celui de refuser ses secours. Ce système présentait dans la jeune colonie les mêmes inconvéniens que dans la mère-patrie : il coûtait énormément et ne donnait que des résultats insuffisans. Dans les localités nouvelles et encore faiblement peuplées s’établissaient des ministres de différentes confessions, qui s’empressaient d’ouvrir une école et de demander un subside. Celui-ci était généralement accordé, mais néanmoins les ressources étaient trop minimes. Là où on aurait pu établir une bonne école, ouverte aux enfans de tous les cultes, cinq ou six élèves végétaient dans un pauvre local avec un maître incapable. La colonie de Victoria votait annuellement 120,000 livres sterling ou 3 millions de francs pour l’enseignement primaire, somme considérable eu égard au chiffre de la population, car c’est comme si, proportion gardée, l’Angleterre dépensait 200 millions de francs pour le même objet, et cependant tous les besoins n’étaient pas satisfaits, par suite de l’inégalité de la répartition.

Convaincue des vices du système, la législature, tout en maintenant les anciens subsides aux écoles de secte, établit une organisation semblable à celle de l’Irlande, basée sur le principe d’écoles nationales ouvertes à tous et soumises à une inspection régulière. Le nouveau régime eut beaucoup de succès. Déjà en 1861 le national-board, le bureau des écoles nationales, absorbait 50,343 liv. sterl. et le bureau des écoles des sectes, denominational board, 105,000 liv. sterl. On arriva enfin à des résolutions plus radicales. La loi de l’instruction publique de 1862 (educational act) supprime les deux anciens bureaux (boards) chargés de la distribution des subsides et les fond en un seul, organisé d’après le système irlandais. Quatre heures par jour sont consacrées à l’instruction laïque, tandis que l’instruction religieuse est remise au ministre du culte auquel chaque enfant appartient. Le salaire des maîtres s’élève de 100 à 300 livres sterl., et la rétribution des élèves (fee), qui est de 1 ou 2 shillings par semaine, double à peu près leur revenu. L’enseignement est obligatoire. Ces mesures sont excellentes ; elles prouvent que ces jeunes sociétés qui se développent si rapidement à nos antipodes comprennent aussi bien que les États-Unis et mieux que nous la nécessité de l’enseignement populaire.