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n’auraient point songé à réclamer. Une salle est appropriée à la bibliothèque populaire, souvent dans l’école, et l’instituteur en est le conservateur. Il a de cette façon sous la main les moyens de continuer à s’instruire, ressource qui fait presque toujours défaut aux maîtres dans les campagnes, et il peut aussi continuer de diriger la culture intellectuelle de ses anciens élèves par les livres qu’il leur prête et leur recommande. Les bibliothèques sont le complément indispensable des écoles, et partout en Europe, à l’exemple des États-Unis et du Canada, particuliers, communes et états devraient rivaliser d’efforts et de sacrifices pour en créer.

L’organisation de l’instruction populaire dans le Bas-Canada offre peut-être plus d’intérêt que celle du Haut-Canada, parce qu’elle montre comment un pays très arriéré sous ce rapport peut d’un seul bond et en très peu d’années se mettre presqu’au niveau des nations les plus avancées. Cette étude présente encore un autre enseignement ; elle permet de voir de quelle façon, au milieu d’une population d’origine française, on est parvenu à résoudre un problème qu’on déclare insoluble en France même, en ayant à la fois des administrations locales indépendantes et un service efficace de l’instruction, c’est-à-dire en décentralisant sans désorganiser.

La loi organique de l’enseignement primaire dans le Bas-Canada date de 1847 ; elle a été amendée à différentes reprises par des actes subséquens. En voici les principales dispositions.

Le premier lundi de juillet, chaque année, dans chaque commune, les propriétaires de biens fonds et « les habitans tenant feu et lieu » se réunissent en assemblée générale pour élire un comité d’école composé de cinq membres. Ce comité forme un corps moral, une fondation jouissant de tous les droits d’une personne civile, possédant les biens de l’école et ayant le droit d’agir en justice et de s’y défendre. Ses pouvoirs sont très étendus ; il veille à l’entretien des bâtimens, nomme ou destitue les instituteurs, lève directement les taxes destinées à subvenir aux frais de l’enseignement, poursuit devant le juge de paix les contribuables récalcitrans et fait exécuter ses jugemens par saisie et vente des meubles et immeubles du défendeur condamné. Les commissaires élus sont tenus, sous peine d’amende, de remplir leurs fonctions, qui sont considérées comme un devoir civique. — Voilà donc la base de tout le système, une institution solidement assise et vigoureusement armée pour l’action. Elle a tous les droits de l’individu et une durée perpétuelle. Le grand mérite de la fondation est qu’elle survit aux décisions variables des majorités, chose essentielle dans un état démocratique où tout est sans cesse remis en question par les fréquens renouvellemens qu’amène l’élection. La fondation favorise aussi et appelle les