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litique et sociale précédera la période de régénération. M. de Tchihatchef semble être d’un autre avis ; il pense qu’en dépit « des plus irrésistibles et des plus légitimes appas, » qui promettent à l’heureux possesseur du Bosphore la double couronne de l’Occident et de l’Orient, » les grandes puissances comprennent désormais « l’absolue nécessité » de maintenir l’autonomie de la Turquie « dans l’intérêt de l’équilibre européen. » A cet égard, les ambitions rivales seraient tellement neutralisées, suppose M. de Tchihatchef, que, si la Mer-Noire devenait le grand centre de l’activité commerciale et de la marine militaire de la Russie, — et si les portes du Bosphore et des Dardanelles étaient librement ouvertes aux vaisseaux du tsar, ainsi qu’à ceux de tous les autres souverains, — l’intégrité de la Turquie n’en courrait néanmoins aucun danger. « C’est qu’aussi, dit l’auteur russe, l’existence de l’empire ottoman ne repose point sur des alliances, des promesses ou des considérations philanthropiques. Celles-là, on ne le sait que trop, n’engagent à rien. L’existence de cet empire est fondée sur des sentimens de jalousie, d’égoïsme et d’inimitié que se portent mutuellement les puissances européennes ; ce sont pour la Turquie des garanties de conservation bien autrement durables, car si en politique les affections et les instincts généreux ne produisent que des résultats éphémères, les rivalités nationales défient les siècles et dureront autant que le genre humain. » Certainement les haines et les jalousies de puissance à puissance ne sont que trop réelles ; mais ce ne sont là pour les nations convoitées que de bien trompeuses garanties d’indépendance. La Pologne aussi était entourée de rivaux qui se craignaient et s’enviaient mutuellement, et cela n’a pas sauvé ce royaume infortuné du partage et de la ruine. Un peuple entouré d’ennemis ne peut se croire en sûreté qu’à la condition d’être composé de fermes citoyens travaillant de concert à la grande œuvre du salut national. Quant aux populations qui, à l’exemple des Turcs, adorent la fatalité et se laissent aller nonchalamment à leur destinée, elles peuvent être sûres de perdre tôt ou tard leur autonomie. Pour vivre, il faut d’abord croire en soi-même et en son avenir.


ELISEE RECLUS.


LE CREDIT ET LES BANQUES, par M. VICTOR BONNET[1].

Dans ce volume, M. Victor Bonnet a réuni une série d’études qu’il a publiées depuis quatre ans, particulièrement dans la Revue. Les opinions de l’auteur en matière de finances sont donc bien connues de la plupart de nos lecteurs, qui ont en même temps apprécié la clarté parfaite avec laquelle il a exposé et discuté les questions si complexes que soulèvent l’organisation du crédit et la constitution des banques.

  1. 1 vol. in-8o. Paris, Guillaumin et Ce et Laine, éditeurs, 1865.