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et hollandais qui se livraient à la peche ; mais l’année suivante seize baleiniers hollandais, sortis du port d’Amsterdam, purent, sous la protection de quatre frégates, se livrer tranquillement à leur industrie. Ces dissensions, accompagnées de violences réciproques, durèrent jusqu’à l’année 1618, où les nations engagées dans ces conflits convinrent d’un commun accord de déclarer la pêche libre au Spitzberg et de se partager les baies. Le monopole de la compagnie hollandaise pour la pêche de la baleine ayant expiré en 1642, tandis que le régime du privilège régnait toujours en Angleterre, la liberté donna une impulsion extraordinaire à ce genre d’entreprises, et de 1660 à 1670 il n’y avait pas moins de quatre à cinq cents navires hollandais et hambourgeois sur les côtes du Spitzberg, tandis qu’on n’y comptait pas un seul bâtiment anglais. Ces pêcheurs, exclusivement commerçans, nous ont laissé peu de renseignemens sur l’Océan-Glacial, sur le Spitzberg et sur la Mer-Polaire ; il n’en est pas de même d’un baleinier hambourgeois appelé Frédéric Martens, qui atteignit en 1671 le 81e degré, et publia, avec la relation de son voyage, la première description connue du Spitzberg, de ses glaciers, de ses productions naturelles, suivie des détails les plus intéressans et les plus véridiques sur les mœurs de la baleine et des autres grands cétacés que l’on trouvait à cette époque sur les côtes du Spitzberg[1]. Pour montrer combien la pêche de la baleine était productive à la fin du XVIIe siècle, il me suffira de dire qu’en 1697 une flotte de 190 navires, dont 121 hollandais, 54 hambourgeois et 15 brêmois, rapporta le produit de 1,886 baleines. Tous les ans, un village temporaire s’improvisait comme par enchantement dans la baie de Smeerenberg, près de l’île Amsterdam, au nord du Spitzberg : il était fréquenté annuellement par près de 18,000 matelots, et se composait surtout de boutiques de marchands, de boulangers, de bouchers, et d’établissemens pour la fonte de la graisse de baleine. Telle était la prospérité de cette colonie passagère qu’on la comparait à celle de Batavia, qui venait d’être fondée récemment.

La première moitié du XVIIIe siècle vit décliner peu à peu la pêche dans ces parages. Traqués sans relâche par de véritables flottes, ces cétacés inoffensifs, qui d’ailleurs se multiplient lentement, cherchèrent un refuge vers le pôle, au-delà de la banquise, dans des espaces de mer libres semblables à de grands lacs entourés de glace. Les Hollandais les y suivirent. Par un vent favorable, mettant toutes voiles dehors, ils coupaient la glace nouvellement formée avec la proue de leurs navires, entraient dans ces

  1. Son voyage a été publié en français dans le recueil de Voiages au Nord, t. II, sous ce titre : Journal d’un Voiage au Spitzberghen, in-18, Amsterdam 1715, avec dix-sept planches.