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12 août, à onze heures du matin, les voyageurs arrivèrent à Ross inlet, près de l’îlot de la Table. Rien ne peut rendre la satisfaction, qu’ils éprouvèrent en foulant la terre ferme ; mais les ours avaient dévoré la provision de pain déposée avant le départ. Parry trouva aussi des lettres que le lieutenant Crozier avait apportées dans ce lieu le 23 juillet, et qui lui rendaient compte de ce qui s’était passé à bord de l’Hecla pendant son absence. Naviguant désormais dans une mer ouverte, les embarcations, malgré le mauvais temps, touchèrent à l’île Walden, à l’Ile-Basse, et entrèrent le 21 août dans la baie de Treurenbourg, où elles trouvèrent l’Hecla, ancrée dans l’anse qui porte son nom. Ce n’est pas le froid, c’est la pluie, la neige, l’humidité, en un mot, qui fut une cause de souffrance pour ces hommes courageux ; en effet, la température moyenne pendant ce voyage fut de 0°,7 au-dessus de zéro, et la plus basse température de 2°,2 au-dessous de zéro. N’oublions pas que le voyage s’accomplissait entre le 25 juin et le 10 août. Dans une saison plus froide, ils eussent peut-être réussi, si la banquise avait porté dans le nord ou était restée immobile, au lieu de dériver vers le sud.

L’ordre chronologique m’amène à parler de deux voyages au Spitzberg accomplis en 1838 et 1839, par la commission scientifique du nord. Cette commission se composait de MM. Gaimard, Lottin, A. Bravais, X. Marmier, E. Robert, Mayer et moi. La Recherche, corvette à voiles construite pour naviguer dans les mers glaciales et commandée par M. Favre, lieutenant de vaisseau, mort amiral en, 1864, avait été désignée pour cette expédition. Les deux campagnes furent séparées par un hivernage à Bossekop, en Laponie[1], auxquels prirent part MM. Lottin, A. Bravais et deux savans suédois, MM. Lilliehöök et Siljesiroem. Une publication de seize volumes[2] avec deux grands atlas, l’un pittoresque, l’autre scientifique, a été le fruit de ces voyages, et je ne crains pas d’être démenti en disant que depuis l’ouvrage de Scoresby il n’en est point qui ait jeté autant de jour sur l’astronomie, la météorologie, la physique du globe, l’hydrographie et l’histoire naturelle des régions boréales visitées par la commission. Malheureusement en 1856 une décision du ministre de la marine arrêta la publication à la page 294 du troisième volume, consacré au magnétisme terrestre, et au milieu même de l’historique des opinions qui ont été émises sur les causes des aurores boréales. L’auteur, M. Auguste Bravais, membre de l’Institut, lieutenant de vaisseau, professeur à l’École polytechnique, et dont M. Élie de Beaumont a

  1. Les principaux résultats de cet hivernage sont consignés dans le livre intitulé du Spitzberg au Sahara, p. 127. Baîllière, 1866.
  2. Voyages en Scandinavie, en Laponie, aux Féroe et au Spitzberg de la corvette la Recherche, 10 vol. in-8o.