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Ils reconnurent que le Nouveau-Sommerset est une île séparée de la Boothia-Félix, promontoire du continent américain, par un canal qui porte le nom de Bellot. Leur navire resta emprisonné par les glaces dans Batty-Bay pendant trois cent trente jours. De retour en Angleterre, Bellot y fut accueilli comme il méritait de l’être ; mais à Paris il fit de vains efforts pour émouvoir l’opinion publique en faveur d’une expédition à la recherche de Franklin ; une lettre motivée écrite au ministre de la marine n’eut pas plus de succès. Pensant que Franklin était peut-être naufragé sur les côtes asiatiques, Bellot voulait les explorer en entrant par la Mer-Blanche pour revenir par le détroit de Behring. Sacrifiant à l’esprit utilitaire de l’époque, il faisais valoir que les Américains avaient rencontré au nord de ce détroit, dans la Mer-Glaciale, une telle quantité de baleines que les bénéfices se traduisaient par des millions de dollars. Il espérait, disait-il, découvrir de son côté quelques parages peu fréquentés où les pêcheurs français trouveraient les mêmes avantages. Sa proposition n’eut pas de suite. A la même époque où il perdait son temps en démarches inutiles dans son propre pays, le voyageur américain Kane, qui l’avait connu dans le nord, lui offrait la place de lieutenant dans une expédition destinée à explorer le détroit de Smith, et lady Franklin le sollicitait vivement d’accepter le commandement en chef de l’Isabel. Son ancien capitaine Kennedy était prêt à servir sous ses ordres. Quelle plus grande preuve d’estime et d’amitié pouvait-il lui donner ? Bellot refusa toutes ces propositions. Son extrême modestie répugnait aux premiers rôles, et il demanda simplement l’autorisation de s’embarquer à bord du Phœnix, commandé par le capitaine Inglefield.

Un des motifs principaux de la mission du Phœnix était de porter des dépêches à l’amiral sir Edward Belcher, retenu par les glaces au milieu du détroit de Wellington. Le Phœnix était dans la baie de l’Érèbe et de la Terreur, sur l’île Beechey, où Franklin passa son premier hiver. Bellot part le 12 août 1853 avec un quartier-maître et trois matelots, emmenant avec lui un traîneau et un bateau en caoutchouc. Le 14, il se voit, avec deux matelots, isolé de ses autres compagnons et entraîné au large par une glace flottante : il les quitte un instant pour reconnaître la position, passe derrière un monticule de glace et ne reparaît plus ; les deux matelots trouvèrent son bâton du côté opposé d’une crevasse de 10 mètres de large dont la glace était brisée. Le vent était violent, et il a probablement été précipité et englouti dans la mer ; ses deux compagnons parvinrent à gagner la côte en sautant d’un glaçon à l’autre. L’Angleterre ne fut pas ingrate envers la mémoire, de l’officier mort au service de l’humanité. Dans l’Océan-Arctique, un cap et un