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sénateur se leva et demanda que le mot république du Mexique fût substitué à celui de gouvernement mexicain, ce qui fut voté sans discussion, sans éclat, par une entente tacite et unanime qui est un indice significatif du sentiment public. Cette résolution, disent les journaux américains, est l’arrêt de mort de l’empereur Maximilien, seals the doom of the so called empire of Mexico ; elle condamne toute intervention des puissances monarchiques de l’Europe sur ce continent républicain. Déjà les écrivains populaires conseillent à Jefferson Davis de se faire pardonner son crime en allant défendre au Mexique les principes menacés de la démocratie, et ces plaisanteries à demi sérieuses n’attendent que le jour favorable pour devenir la volonté nationale. La politique d’envahissement et d’annexion n’est pas le privilège des gouvernemens despotiques. Les républiques se vantent même d’avoir sur les monarchies cet avantage que, la masse entière du peuple étant souveraine, elles se trouvent, de fait irresponsables et libres de rompre sans scandale une foi qui oblige trop de consciences pour en lier solidement aucune. Dans les empires absolus, il y a toujours une minorité mal soumise qui accuse la mauvaise foi du maître ; dans une démocratie, le bien et le mal sont affaire de majorité, et c’est bien là qu’on peut dire avec vérité que l’idée du juste dérive du consentement général des hommes. Je conçois donc à la rigueur que certains états d’Europe voient d’un œil soupçonneux ce rétablissement énergique de la nationalité américaine à l’heure même où elle menace de devenir guerrière et conquérante. L’intérêt est malheureusement le seul mobile constant de la conduite des peuples, et il en sera de même jusqu’au jour problématique où l’humanité entière ne formera plus qu’une vaste confédération à la façon des États-Unis. Jusque-là, et tant que le monde marchera clopin-clopant parmi les. révolutions civiles et nationales, chacun sera dans son rôle en jalousant son prochain, — l’Europe en se défiant de la puissance américaine, les États-Unis en annexant les territoires voisins au nom de la liberté et en repoussant l’Europe sur le vieux monde pour rester pleins possesseurs du nouveau. Je réserve toute ma colère pour ceux-là seuls qui cachent leurs desseins hostiles sous un air de neutralité et de bienveillance hypocrites, et qui frappent par derrière l’ennemi qu’ils n’osent pas attaquer en face…


22 janvier.

M. Sumner a fait un éloquent discours contre les représailles. Il s’obstine, avec une modération généreuse, à repousser la vengeance pour s’attacher à la stricte justice. Il dit qu’un crime commis n’en excuse pas un autre, et qu’il ne faut répondre à l’ennemi