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révolutions. Par les doctrines métaphysiques, elle nous sert à comprendre l’histoire des religions. Aujourd’hui la critique religieuse a pris un intérêt supérieur et jouit d’une très grande faveur ; mais l’histoire religieuse a été préparée et facilitée par l’histoire de la philosophie. Sans doute les développemens de la philologie et de la critique ont grandement contribué à éclaircir les textes et à jeter du jour sur l’origine des grands événemens religieux ; mais après tout ce qu’il y a de plus important et de plus intéressant dans les religions, c’est l’histoire des dogmes : or une telle histoire est-elle possible sans une étude très approfondie de la philosophie ? Sans ce secours indispensable, on prendra les religions par le dehors, on n’en comprendra ni le sens, ni les développemens. Il y a là, je le reconnais, des services réciproques : les religions agissent sur la métaphysique, surtout à l’origine ; mais plus tard la métaphysique agit sur la religion. Qui pourrait nier par exemple l’action de la métaphysique allemande sur la crise que traverse aujourd’hui le protestantisme ? Et dans le passé qui peut nier l’action du platonisme sur le christianisme ? Ainsi les deux histoires sont intimement liées, et il n’y a pas de raison pour que l’intérêt qui se porte vers l’une se détache de l’autre.

J’ajouterai cette considération : c’est que l’histoire de la philosophie est une science sur le terrain de laquelle toutes les opinions peuvent se rencontrer. Quelque opinion qu’on professe sur la philosophie en elle-même, qu’on la croie, avec les positivistes, condamnée à périr ou à s’absorber dans les sciences exactes et positives, ou qu’avec les spéculatifs on la considère comme la première des sciences, résumant et dominant toutes les autres ; que l’on soit spiritualiste, matérialiste ou panthéiste, toujours est-il que la philosophie doit être étudiée comme un des aspects, une des formes de l’esprit humain. En outre, si l’on a soin de distinguer d’une part l’exposition et l’interprétation des doctrines, de l’autre la discussion et la critique, toutes les écoles pourraient à la rigueur avoir une même histoire de la philosophie. Cela, je l’accorde, est très difficile, mais non impossible. Ce que l’on ne peut contester, c’est que par les nombreux travaux critiques qui ont été faits en ce siècle, soit en Allemagne, soit en France, l’histoire de la philosophie est de plus en plus en voie de devenir une science positive. L’établissement, l’interprétation, la coordination des textes, la détermination précise des vrais caractères de chaque école, une intelligence de plus en plus exacte des théories les plus éloignées en apparence de nos idées actuelles, le sens du passé, le discernement des vrais rapports entre les systèmes ainsi que de leurs oppositions, tels sont les gains que l’histoire de la philosophie a faits de