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infanterie. Le port, ainsi abandonné, retomba tout de suite au pouvoir des juaristes, dont il était la principale source de revenus. D’après les statistiques du consulat de France, les recettes annuelles de cette douane maritime s’élevaient à 1,200,000 piastres (6 millions de francs). Après le départ de nos forces navales, les populations compromises s’enfuirent dans les bois, mourant de faim et maudissant la France. Les fonctionnaires accusés d’avoir servi l’intervention furent pendus comme traîtres à la patrie. Les caisses de la douane, où, dans la précipitation de la retraite, on avait laissé une somme d’argent considérable, furent vidées par les libéraux à leur rentrée dans la ville.

En août 1863, la réoccupation de Tampico fut décidée. Un régiment d’infanterie de marine, comptant treize cents baïonnettes et appuyé par l’escadre naviguant sous les ordres du contre-amiral Bosse, opéra son débarquement. Au passage de la barre, le yacht à vapeur la Jeanne-Darc fut coulé à fond par la lame. La ville fut cependant reprise sans coup férir. Le drapeau tricolore y flotta pour la seconde fois ; mais les guérillas des chefs Carbajal, Pavon, Canales et Mendez se répandirent dans les campagnes voisines. Le commerce avec l’intérieur fut coupé ; les recettes annuelles de la douane tombèrent au dessous de 500,000 piastres (2 millions 1/2 de francs). Les troupes restaient agglomérées sur la place ; le cimetière était voisin du principal casernement, et la fièvre jaune, qui s’abattit sur la ville, y causa d’affreux ravages. A la fin de mars 1864, le vomito sévissait encore à Tampico, et les guérillas étaient toujours aux portes de la ville. C’est à ce moment que la contre-guérilla fut chargée de remplacer le régiment d’infanterie de marine, décimé par la maladie et rappelé en Europe. Quelques jours après notre installation, le colonel Du Pin, redescendu de Mexico, reprit son service. Le capitaine Du Vallon devint commandant en second.

De jour en jour, la situation de Tampico s’aggravait. Les guérillas avaient réussi à couper les communications, même par eau. Sur les rives droites du Panuco et du Tamesis s’étendent les jardins cultivés par les Indiens, dont les produits alimentaient d’ordinaire le marché de la ville. Aucune embarcation chargée de fruits et de légumes n’osait plus désormais franchir le fleuve, et les aguadores qui se risquaient pour aller chercher l’eau potable aux sources voisines des remparts étaient salués par des balles. Le second port du Mexique allait être réduit aux viandes salées et à l’eau saumâtre. Un pareil état de choses ne pouvait se prolonger, car notre influence, amoindrie déjà aux yeux des habitans de la cité mexicaine par une première évacuation, était loin de faire des progrès dans ce petit coin du Tamaulipas, le seul encore de cette vaste province