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terres, Vittoria, la capitale du Tamaulipas, est couchée au pied des premières montagnes qui vont s’élevant jusqu’au plateau de la ville de San-Luis. Vittoria servait de quartier-général au gouverneur de la province, le général Cortina[1], et à une division juariste qui de jour en jour recevait de nouveaux renforts. Dès les premiers jours d’avril 1864, Cortina avait ordonné à Carbajal, aussitôt après la destruction des forces de Llorente, de courir sur Tampico. Ce mouvement devait être combiné avec la propre division de Cortina, ainsi qu’avec les guérilleros, qui n’attendaient que la nouvelle de la prise de Temapache pour se mettre en route. D’un moment à l’autre, près de 3,000 hommes, aidés par le parti hostile séjournant dans Tampico, pouvaient paraître aux portes de la ville, défendue seulement par 550 contre-guérillas. Il ne nous était plus permis de rester inactifs.

Le 11 avril 1864, sur la grande place de la cathédrale de Tampico, la foule compacte se pressait inquiète au bruit des clairons français. La contre-guérilla marchait à l’ennemi. L’ennemi, c’était Carbajal[2], un officier de grande valeur, de race indienne, brave, intelligent et désintéressé. Avant tout, Carbajal combattait pour la liberté ; mais dans son passé politique il y avait un crime, celui d’avoir allumé la guerre civile. Carbajal, comme les gouverneurs d’autres provinces, avait réclamé l’indépendance de son état et avait voulu s’affranchir de l’autorité du président de la république. En haine de Mexico, il s’était jeté dans les bras des Américains du nord, dont la secrète influence croît chaque jour dans cette province du Tamaulipas, qu’ils convoitent ardemment. Il faut reconnaître aussi cependant qu’au premier cri de la patrie en danger il avait offert son épée à Juarès pour la défense de la république. Tel était l’adversaire qu’on allait combattre sur son propre terrain. Chaque fois en effet que le général Carbajal, qui tient depuis longtemps la campagne et qui n’a pas cessé de nous résister avec une vaillante énergie, s’est senti serré de trop près, il a transporté le théâtre de la guerre dans la Huasteca, qu’il parcourt depuis son enfance, et où il exerce une action immense sur les populations indiennes. C’est dans la Huasteca que la contre-guérilla devait se rendre à marches forcées au secours de Llorente, gravement compromis.

  1. Le gouverneur Cortina, agent reconnu des Américains du nord, ne devait son grade de général qu’à une insurrection militaire où il avait été surtout servi par son audace.
  2. Depuis trois ans de luttes, plusieurs chefs de bandes nommés Carbajal ont été poursuivis par nos armes dans les états de Puebla et de Mexico ; mais tous ces généraux improvisés n’étaient que des aventuriers ou des détrousseurs de grands chemins, abrités malheureusement sous la bannière républicaine, qui favorisait leurs exactions. Quant au général Carbajal du Tamaulipas, c’est un type d’homme de guerre trop rare au Mexique.