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serviteurs de l’hacienda assistaient à la scène. Les prisonniers, après leurs aveux, furent relâchés. Les archives étaient enfouies dans les docks de Tantoyuquita, d’où les libéraux n’avaient pas eu le temps de les enlever, grâce à la rapidité de leur retraite. Les barques avaient été cachées sous des amas de lianes au milieu des halliers. L’alcade déclara en outre que le chef de bandits Bujano, — qui, à la tête de quatre-vingts routiers, faisait métier de détrousser les voyageurs sur les grands chemins et dont les négocians de Tampico avaient cru sage d’invoquer la protection pour leurs propres marchandises moyennant une part dans les bénéfices, — était parti le matin même de Tancasnequi. Il avait emmené des voitures chargées de munitions d’artillerie à destination du parc de Vittoria, et des provisions de liqueurs et de vins demandées par les négocians de cette ville pour la table du général Cortina, qui devait fêter le retour du général Carbajal, le vaincu de San-Antonio. Les deux escadrons de contre-guérillas furent bientôt en selle et malgré les dernières fatigues lancés à la poursuite du chef de bandits. De son côté, l’alcade (ce qu’on sut plus tard) faisait secrètement prévenir Bujano que les chinacos (terme injurieux né des guerres civiles) de Français étaient sur le point de l’envelopper. En effet, toute la nuit on courut. A la pointe du jour, le convoi fut saisi à l’hacienda des Alamitos, à vingt-deux lieues de Tancasnequi ; mais le chef et sa troupe avaient disparu. La poursuite avait été ardente : on avait fait une marche forcée dans l’obscurité, à travers des plaines inconnues coupées de bois et de barrancas. Après la dispersion de la bande Bujano, la contre-guérilla continua sa marche ascendante vers San-Luis ; mais à mi-chemin de Tampico elle se rencontra avec une brigade appartenant à la division du général Mejia[1] : quatre mille Mexicains étaient entrés dans la ville de Tula. Leur présence sur ce point intermédiaire assurait définitivement la sécurité de la route de Tampico à San-Luis. La mission de la contre-guérilla était donc terminée dans ces parages. A vrai dire, elle avait été aussi pénible que courte, car durant cette promenade militaire, où l’ennemi avait toujours opéré le vide devant nous, la maladie avait fait plus de ravages dans nos rangs que le feu des guérillas, dont pourtant l’inaction apparente fut de courte durée.

Avant la fin de juin 1864, en effet, le pays retentit de sinistres nouvelles. Huejutla, la ville rebelle où s’étaient réfugiés Pavon et tous les mécontens, avait entraîné sous le drapeau de la révolte la Huasteca, qui s’était levée de nouveau tout entière. Ozuluama et

  1. L’armée régulière comptait deux divisions mexicaines, la première sous les ordres du général Mejia, la seconde commandée par le général Marquez, tous deux ralliés à l’intervention française.