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Le vrai pays de la soif. A mesure que la contre-guérilla gagnait du terrain, les Indiens grossissaient spontanément notre colonne dans l’espoir de raser Huejutla, qui leur avait déjà causé tant de dommages ; mais le zèle des hacenderos s’était refroidi. Chacun d’eux trouvait un prétexte pour ne pas prendre un fusil. En revanche, les populations indiennes nous revoyaient avec plaisir, et leur enthousiasme était de bon aloi.

Le colonel Ortiz, lieutenant du général Moreno, avait été un des plus ardens en parole à châtier l’audace des libéraux. Dès qu’il eut la conviction que des forces françaises descendaient de Mexico et que d’autres remontaient de Tampico, se sentant à l’abri, il rentra dans les gorges de la Sierra-Gorda, cette chaîne la plus montagneuse du Mexique, qui traverse l’ouest de la province de San-Luis-de-Potosi. Moreno, qui était le commandant militaire de la Huasteca, était aussi celui de la Sierra-Gorda ; mais en vérité ce double titre était bien illusoire. Pouvait-il en être autrement ? Ce général a la réputation bien légitimement gagnée du chef mexicain le plus souvent mis en déroute. En un pays où les revers même se changent presque toujours en victoires, c’est un trait assez significatif D’ailleurs son caractère, sa physionomie, ne s’accordent que trop bien avec les faits. D’un âgé déjà mûr, il consacre tout son temps aux soins de sa personne et d’une chevelure qui noircit à mesure qu’il vieillit. Clérical et républicain tour à tour, il sert volontiers tous les partis moyennant prime. Quelques années auparavant, le général Mejia, aujourd’hui général en chef de l’armée austro-belge-mexicaine, après avoir enlevé Tampico aux libéraux, en avait confié le commandement à Moreno, qui jura de mourir à son poste. Les républicains parurent bientôt aux portes de la ville : Moreno la leur vendit au prix de 17,500 piastres (92,500 francs), payable moitié comptant, moitié en billets à son ordre, qu’il s’empressa par prudence de faire escompter à la caisse de M. Lastra, le riche négociant de Tampico. Qu’on ne s’étonne donc plus de ces défaillances inouïes que l’armée mexicaine vient d’enregistrer parmi les partisans du nouveau régime, puisque Moreno, malgré ses antécédens, était redevenu commandant militaire de deux états pour le compte de l’empereur Maximilien.

De tous les chefs impérialistes battus par les gens de Huejutla, malgré le devoir et l’honneur, malgré toutes les promesses faites, deux seulement rallièrent la contre-guérilla, accourue à leur secours. Moreno se présenta avec vingt-huit officiers, vingt-trois fantassins et quinze cavaliers ! Le colonel Velarde apparut avec trente et un cavaliers, dont quatorze officiers ! C’étaient là les derniers débris d’une brigade entière qui s’était dispersée à San-Martin