Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/847

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin un an de service dans les grades inférieurs pour obtenir le diplôme de seconde classe, deux ans pour celui de première. On voit quelle émulation salutaire cet ensemble de règlemens ingénieux éveille dès le début chez l’élève et entretient jusqu’au bout chez le maître : partout on y retrouve l’examen et le concours à tous les degrés.

L’organisation matérielle dans ces écoles n’est pas moins admirable que la discipline morale. Sur les 737,000 dollars (un peu plus de 10 dollars par tête d’élève) que la ville dépense annuellement pour l’éducation publique, elle en consacre environ 226,000 à l’entretien même des locaux et des maisons d’école. J’y ai fait avec M. Field et M. Shippen une visite dont je conserverai toujours un agréable et touchant souvenir. On ne peut plus oublier, quand on les a vus une fois, ces vastes édifices, ces longues salles élégamment décorées, ces troupes d’enfans propres, bien vêtus, silencieux et dociles, que l’on pourrait comparer avec avantage à ceux de nos bourgeois de province, et qui sortent pourtant des populations les plus pauvres de la ville, — ces institutrices simples, soigneuses, modestes, quoique fières du résultat de leurs peines, et sorties souvent des rangs de leurs élèves. Je vois une frêle jeune fille de dix-sept ans dicter à de gros garçons de quatorze la composition du concours qui doit les faire passer à la classe supérieure. Quelle saine atmosphère morale on respire ici ! Partout un air studieux et grave, une volonté sérieuse de s’élever par le mérite. La semaine dernière a été justement consacrée à ces concours semestriels, longue et terrible épreuve après laquelle un quart à peine des prétendantes peuvent être admises à l’école normale où se forment les maîtresses. Cent jeunes filles chantaient devant nous des chœurs nationaux, qu’elles venaient à tour de rôle accompagner sur le piano, quand les concurrentes entrèrent en courant dans la salle, apportant le résultat de l’examen. L’école où nous étions s’était signalée parmi toutes celles de la ville, elle avait gagné tous les premiers rangs. Les petites arrivaient l’une après l’autre, tout essoufflées, tant elles avaient couru dans la neige, et se jetaient dans les bras de la directrice, qui les embrassait comme ses enfans. M. S…., l’inspecteur-général, prenait une part toute paternelle à la fête : on se tenait debout respectueusement devant lui, mais personne ne semblait étonné ni effarouché de le voir. Il y avait parmi les élèves tels visages pâles, souffrans, quoique rayonnans d’une joie profonde, qui disaient les efforts que ce triomphe avait coûtés. « La première, nous dit la directrice, passe depuis deux mois la moitié des nuits sur ses livres. » Puis il y eut une scène de chagrin après cette scène de joie : l’inspecteur avertit les jeunes filles qu’étant reçues à l’école normale, elles ne devaient plus revenir à l’école de