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tenir pour bonne mère. Et puisque pour telle vous tiens, je vous prie que vers la reine ma sœur et aussi vers moi en veuillez faire les œuvres[1]. »

Charles-Quint s’était hâté d’affermir les liens d’une aussi avantageuse amitié en les resserrant par le mariage convenu de François Ier et de la reine Éléonore. Six jours après la conclusion solennelle du traité, dans la chambre même où François Ier en avait entendu la lecture et juré l’observation, entra le vice-roi de Naples, muni de la procuration de la reine de Portugal[2], pour la fiancer avec le roi. Il était houssé et éperonné, prêt à partir pour Tolède afin d’y rendre compte de la mission dont l’avait chargé l’empereur. Il trouva François Ier couché et repris de la fièvre depuis la veille. Ce fut du lit que François Ier accomplit la cérémonie en prononçant les paroles des fiançailles, que le vice-roi de Naples répéta au nom de la reine Éléonore[3]. L’union fut consacrée par ce double engagement, pris d’une manière assez peu usitée, et dès ce moment l’empereur dît que François Ier devait appeler Éléonore sa femme.

Devenu l’ami du frère par la paix conclue, le mari de la sœur par l’union contractée, François Ier demeurait toujours prisonnier. Retenu à l’Alcazar, il restait soumis à une perpétuelle surveillance. De jour et de nuit, des soldats étaient à sa porte, et pendant son sommeil l’on venait jusqu’au bord de son lit vérifier s’il y dormait[4]. La garde qui l’observait sans cesse dans le château le suivait avec une assiduité importune lorsqu’il en sortait ; elle l’accompagnait partout. Depuis la conclusion du traité, sans être plus libre de sa personne, il était moins gêné dans ses mouvemens. Il descendait de l’Alcazar dans Madrid, qu’il parcourait en litière ou monté sur sa mule. Il allait entendre la messe aux églises célèbres, faire des visites à des couvens où les religieuses lui offraient des collations et se rangeaient avec curiosité autour de lui. Le peuple se pressait sur son passage, et ceux qui avaient les écrouelles lui demandaient de les toucher de ses mains royales, qui passaient pour avoir le don unique de les guérir[5]. Cette surveillance, qui devait s’exercer à

  1. Lettre de Charles-Quint à Louise de Savoie. — Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 653.
  2. Dumont, Corps diplomatique, t. IV, Ire partie, p. 419.
  3. Captivité de François Ier, p. 506. — Sandoval, liv. XIV, § 5« 
  4. « A esté contraint messire Jean de La Barre, chevalier, prevost de Paris, tant devant la maladie du roy, durant icelle et après, laisser entrer de nuict les gardes et gens du guet dedans la chambre du roy, à l’heure qu’il dormoit, pour veoir s’il y estoit. » Captivité de François Ier, p. 507.
  5. Lettre de La Barre, du 1er février, à la duchesse d’Alençon. — Captivité de François Ier, p. 487.