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eût été seule accusée d’avoir fait naître par son agression un mouvement insurrectionnel. Le maréchal Bazaine, informé des faits, répondit que bonne justice serait demandée à l’empereur Maximilien[1].

Vittoria n’est en somme qu’une triste bourgade aux maisons délabrées. Une église inachevée est le seul monument qui l’enrichisse. Désolée tour à tour depuis trente ans par les factions cléricale et libérale, elle est presque déserte et n’offre aucune ressource. Quoiqu’elle date de la domination espagnole, les archéologues n’y trouvent nulle curiosité. Rien d’attachant dans cette capitale d’état, qui tiendrait tout entière sur notre place de la Concorde. Aussi, lors de leur dernière invasion, les Américains du Nord, le lendemain même de leur entrée à Vittoria, en sortirent sans ombre de regret. Une étroite et longue alameda, ombragée de gigantesques platanes, jadis rendez-vous galant des élégantes señoras, aujourd’hui pleine de silence et de fraîcheur entretenue par l’eau courante, est le seul souvenir qu’elle ait gardé de son ancienne splendeur. L’espoir d’y trouver un bon ravitaillement fut aussi promptement déçu. Les magasins étaient à sec. Les roues des moulins avaient été brisées par l’ennemi battant en retraite : on eût payé à prix d’or un sac de farine sans pouvoir le trouver. Les tiendas étaient même vides de tabac et de cette eau-de-vie du pays qu’on trouve d’ordinaire dans les plus modestes localités. Il fallait bien se résigner à ne pas modifier le triste ordinaire dont on s’était contenté en pleine lande, — l’eau du torrent et la ration de maïs. La population, tout à fait républicaine, s’était enfuie à l’approche de la division Mejia dans les plus humbles ranchos voisins pour ne pas assister à une occupation passagère. Les femmes de la classe élevée étaient surtout hostiles au nouveau régime, et se déclaraient ardemment pour tous les chefs qui tenaient la campagne au nom de la république. Il faut le reconnaître, la race féminine montrait ici une indépendance d’opinion, une franchise d’allures qu’on rencontre rarement chez les Mexicains.

Au bruit de la marche de front exécutée depuis Aguas-Calientes jusqu’au littoral par l’armée franco-mexicaine, toutes les forces libérales ; craignant d’être coupées de leur retraite, tendaient à se concentrer à Monterey autour du président déchu, en attendant le choc du général français de Castagny. Seul, dans le Tamaulipas, sans parler de petites guérillas, Cortina restait devant la contre-guérilla

  1. Cinq mois après, le même colonel Larumbide rentrait cependant à Vittoria à la tête d’une brigade pour remplacer la contre-guérilla. En l’absence du colonel Du Pin, mon ancienneté de grade m’avait appelé au commandement provisoire de la ville, ce qui, en vertu de la convention de Miramar, plaça le colonel Larumbide quelques jours sous mes ordres.