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nombre des élèves diminuât, du moins pendant quelque temps, parce que les familles ; pauvres ont vu par expérience les bons effets de l’instruction. Les adversaires de l’enseignement obligatoire en font le plus effrayant tableau ; ils montrent les pères de familles traqués par la police, frappés d’amende, condamnés à la prison, privés d’une partie de leurs ressources. Rien n’est moins exact : instruire ses enfans est un devoir si naturel, qu’il suffit de le rappeler aux parens et de les obliger une première fois à l’accomplir ; bientôt ils s’en acquittent spontanément, avec satisfaction et orgueil. Voilà ce que prouve l’exemple de l’Allemagne.

En 1857, il y avait en Prusse 2,943,251 enfans tenus d’aller à l’école. Sur ce nombre, 2,758,472 fréquentaient régulièrement les 24,292 écoles communales ouvertes à cette époque ; 70,220 se trouvaient dans les écoles privées ; restaient 114,559 enfans, qui étaient dans les établissemens d’instruction moyenne, ou qui recevaient leur éducation dans la famille même. Sur 1,000 habitans, la Prusse avait donc 157 élèves dans les écoles primaires, tandis que la France en 1863 n’en avait que 116 ; mais ce chiffre est loin d’indiquer toute la supériorité de la Prusse sous ce rapport ; elle éclate surtout dans les résultats obtenus. Nous avons vu qu’en France, par suite de la fréquentation irrégulière de l’école, un tiers de la population est complètement illettré. En Prusse, tous les miliciens savent lire et écrire, et l’instruction des femmes ne doit guère être inférieure, car le nombre des filles fréquentant les écoles est aussi grand que celui des garçons. En présence de ces faits, n’est-il pas naturel qu’on réclame avec instance l’adoption de la mesure qui les a produits ?

Toutefois il est probable que la proclamation de l’obligation scolaire n’amènerait tous les enfans à l’école que si cette mesure était appuyée par la pression de l’opinion publique ou par l’influence des ministres du culte. Les pays protestans jouissent sous ce rapport d’un grand avantage. Les pratiques obligatoires du culte catholique, l’assistance à la messe, la confession, la récitation même du catéchisme, n’exigent à la rigueur aucun degré d’instruction. Il semble qu’on puisse être un très bon et très fervent catholique et être en même temps très ignorant, puisque les populations les plus soumises à l’église ont été jusqu’à présent les moins éclairées. Tout au moins peut-on dire que le clergé catholique n’a vu aucune incompatibilité entre une piété très satisfaisante à ses yeux et une ignorance absolue ; dans les pays où il était le maître, à Naples ou dans les états romains, par exemple, il n’a jamais rien fait pour la dissiper. Sans doute tous les peuples réformés ne sont pas des peuples instruits, puisque comme exception on peut citer