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tête ne représente que la part d’intervention de l’état, qui n’est qu’accessoire, les communes étant chargées de la dépense principale[1]. Pour se mettre au niveau de la Suisse, l’état en France devrait donner 38 millions, et il n’en donne que 6, c’est-à-dire six fois moins.

Les lois organiques de l’instruction primaire ont été remaniées dans la plupart des cantons depuis 1848 dans un esprit tout démocratique. « L’enseignement dans les écoles publiques, dit la loi du canton de Vaud, sera conforme aux principes du christianisme et de la démocratie. » Les communes sont obligées d’entretenir un nombre de maîtres proportionné aux besoins des populations. L’instruction religieuse est donnée par les ministres du culte. L’instituteur laïque doit s’abstenir dans ses leçons ordinaires de tout ce qui peut avoir une tendance dogmatique, afin que la liberté de conscience soit réellement respectée. La surveillance et la direction sont exercées par deux commissions : la première centrale, nommée par le gouvernement cantonal ; la seconde locale, choisie par l’autorité communale. Il n’y a d’inspecteurs que dans quelques cantons ; mais il devrait y en avoir dans tous. La surveillance toujours intermittente des comités ne peut remplacer l’action incessante de fonctionnaires initiés par une longue pratique à tous les détails du service.

L’instruction primaire en Suisse comprend les connaissances élémentaires qu’on enseigne dans les autres pays ; mais ce qui la distingue, c’est le soin qu’elle met à développer chez l’enfant les forces du corps en même temps que celles de l’esprit. Elle ne se contente pas d’exercer la mémoire, elle fait appel à la raison, et surtout elle donne aux élèves un grand nombre de notions pratiques sur la culture, les petites industries de la campagne et l’économie domestique. On n’est pas d’avis ici, pas plus qu’en Allemagne, que l’instituteur, pour bien apprendre à lire et à écrire, ne doit guère savoir autre chose lui-même. Le maître d’école est ordinairement un homme instruit, considéré dans le village,

  1. Il n’existe pas de relevé général indiquant les dépenses des communes. La société de statistique suisse travaille à en rassembler les élémens ; elle a déjà publié des données complètes sur quatre cantons dans un excellent recueil qui vient de terminer sa première année, le Journal de Statistique suisse, publié à Berne sous la direction de M. Max Wirth. On trouve aussi des données intéressantes dans un Rapport sur l’état actuel de l’enseignement en Belgique, en Allemagne et en Suisse, par M. Baudouin, inspecteur-général de l’instruction primaire en France, l’un des meilleurs livres qui aient paru depuis longtemps sur la matière, et dans un rapport de M. Matthew Arnold publié sous forme de Blue Book par ordre du parlement anglais.