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le général des troupes régulières une correspondance qui ne paraît pas avoir été des plus amicales. Il arme ses milices ; quoiqu’il ne soit pas militaire lui-même, il se met à leur tête, et quelques coups bien frappés amènent les Maoris à composition. L’Angleterre, au lieu de se sentir humiliée avec ses régimens, bat des mains aux exploits des volontaires qui soulagent son budget. Ce n’est pas d’ailleurs seulement pour s’épargner les frais des garnisons que l’Angleterre en agit ainsi, c’est bien certainement aussi pour forcer ses colonies à développer leurs ressources et leur puissance. La session de 1865 en a fourni une preuve manifeste par le bill où l’Angleterre s’engage à fournir des subsides et à faciliter de tous ses moyens la création de marines militaires coloniales. Il a même été question d’un projet qui consiste à fondre en un état fédéral les possessions anglaises de l’Amérique du Nord situées sur l’Océan-Atlantique. Rien assurément n’est moins conforme aux antiques traditions de la politique coloniale, et cependant l’autorité métropolitaine ne tolère pas seulement ce projet, c’est elle qui l’a inspiré, c’est elle qui depuis deux ans n’épargne aucune peine pour le mener à bonne fin. S’il n’a pas encore réussi, cela tient à des jalousies et à des défiances locales que le ministre des colonies, M. Cardwell, n’a pas encore réussi à concilier. L’île de Terre-Neuve et celle du Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick, étant entre eux tous beaucoup moins riches, moins peuplés que le Canada, et n’ayant pas non plus la dette très considérable qui charge ce dernier, ont peur d’être absorbés, tout en payant pour lui. C’est là que gît la difficulté ; mais si l’Angleterre arrive à la résoudre, elle aura certainement travaillé de ses propres mains à la constitution d’un état sur lequel il semble bien difficile qu’à raison de son importance, de sa grandeur, de sa situation géographique, des origines de la population qui l’habite, elle puisse conserver longtemps une suzeraineté, même nominale.

Mais cette suzeraineté, l’Angleterre ne prétend la maintenir qu’autant qu’il convient aux colonies elles-mêmes de la voir durer. C’est là le dernier trait du système, la dernière conséquence du nouvel esprit qui s’est infiltré dans les âmes anglaises à la suite de toutes les réformes économiques et politiques qui se sont introduites depuis un demi-siècle dans le gouvernement de la Grande-Bretagne. Cinquante ans de réformes incessantes, accomplies au sein d’une paix, d’une prospérité intérieures telles qu’aucun peuple n’en a vu de pareilles, n’ont pas seulement produit un ensemble de procédés administratifs et un mécanisme politique que la nation considère comme ce que la sagesse humaine a produit jusqu’ici de plus parfait. La pratique de ces cinquante ans a aussi dégagé des principes supérieurs à cet ordre politique ou administratif, et