Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exiger de lui la Bourgogne, ou en ne pas le retenant prisonnier jusqu’à ce qu’il eût mis cette grande province entre ses mains. Cette faute, dans laquelle sa fierté, aussi opiniâtre que son caractère, devait le faire persister longtemps, ne pouvait être réparée qu’à l’aide de succès continus, au prix d’énormes dépenses, en levant des armées, en livrant des batailles, en remportant des victoires. La ligue de Cognac remettait tout en question. Les plans de Charles-Quint étaient renversés. Au lieu d’aller prendre triomphalement la couronne au-delà des Alpes, il fallait y lutter de nouveau ; au lieu de courir au secours de la vieille religion ébranlée au-delà du Rhin par les novateurs enhardis et à la défense de l’Allemagne menacée dans la vallée du Danube par les Turcs prêts à gagner la meurtrière bataille de Mohacz, il fallait rester au fond de l’Espagne pour envoyer en Italie tout ce qui pourrait y faciliter sa victoire et y affermir sa domination.


IV

Le pape et les Vénitiens, aussitôt après la conclusion de la ligue et sans en attendre la ratification, assemblèrent leurs troupes. Clément VII envoya à Plaisance, la ville de l’état pontifical la plus rapprochée du Milanais, puisqu’elle confinait au Pô un peu au-dessous de Pavie, le contingent militaire qu’il s’était engagé à fournir. Il fit partir de Modène et de Parme, sous le comte Guido Rangone, 5,000 hommes de pied et les hommes d’armes du saint-siège, sous Vitello 2,000 hommes de pied tirés de Florence ainsi que les hommes d’armes de cette république[1], qui s’associait avec ardeur au mouvement italien contre le dominateur étranger. À cette petite armée se joignirent les fameuses bandes noires que commandait Jean de Médicis ; elles s’étaient aguerries sous ce vaillant chef de guerre, qui ressemblait sous bien des rapports au marquis de Pescara, par son prompt coup d’œil, sa résolution calculée et son extraordinaire intrépidité. Clément VII avait nommé comme son lieutenant Francesco Guicciardini, alors président de la Romagne et aussi habile politique que grand historien. Investi des pouvoirs du pape, qu’il représentait auprès de l’armée, Guicciardini alla s’établir à Plaisance[2].

Tandis que les troupes pontificales se concentraient vers la frontière méridionale du duché de Milan, les troupes vénitiennes se

  1. Lettre de Nicolas Raince à François Ier, écrite de Rome le 9 juin 1526. N. Raince le tenait de Clément VII — Mss. Béthune, vol. 8509, l’original en chiffres f. 33, le déchiffrement f. 17. — Guicciardini, liv.- XVII.
  2. Guicciardini, Istoria d’Italia, lib. XVII.