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point qu’il occupe, mais aussi au-dessus, vers le firmament, et au-dessous, vers le sol. Il est évident que les rayons dirigés vers le ciel et ceux dirigés vers le sol sont perdus, puisqu’il suffit que le phare éclaire l’horizon. Dans la plupart des cas même, par exemple si le phare est situé sur la côte, les rayons lumineux dirigés vers la mer produisent seuls un effet utile, et ce qui se dirige vers l’intérieur des terres est perdu. Il faudrait donc que l’on pût recueillir tous ces rayons projetés vers le firmament, vers le sol et vers les terres, pour les ramener dans la direction de la mer, qui doit seule être illuminée par le phare. Ce résultat peut être obtenu au moyen de miroirs ou réflecteurs d’un poli parfait et d’une forme convenable que l’on dispose autour du foyer de lumière. Les rayons qui étaient divergens, les miroirs les concentrent, les rendent parallèles, et le faisceau lumineux ainsi formé est renvoyé dans une direction unique, ce qui produit une lueur très vive dans cette direction tandis que les autres parties de l’horizon restent presque dans l’obscurité. Que de plus les miroirs tournent d’un mouvement régulier autour de la lampe, cette lueur est projetée successivement vers tous les points qu’il importe d’éclairer tour à tour. On a un phare à éclipses ou, si l’on aime mieux, à éclats momentanés.

Ce mode d’éclairage est, on le conçoit sans peine, beaucoup plus puissant que ne le serait un feu fixe, puisque les rayons lumineux convergent presque tous à un moment donné vers un seul et même point. Ce fut en 1783 que Teulère fit connaître le projet qu’il avait conçu ; le célèbre astronome auquel d’habitude on attribue à tort cette invention, Borda, en fit aussitôt l’application pratique au port de Dieppe. Peu d’années après, en 1790, un appareil de même espèce, composé de douze lampes à réflecteurs paraboliques, fut installé sur la tour de Cordouan, que Teulère venait d’exhausser. On en mit ensuite dans les autres phares du littoral de la France. Les puissances maritimes adoptèrent cette innovation avec empressement et l’ont conservée jusqu’en ces dernières années, quoique dans notre pays on y ait renoncé, au moins pour l’éclairage des phares principaux, dès que Fresnel eut inventé le système préférable des phares lenticulaires.

Les appareils catoptriques, — c’est sous ce nom que les appareils d’éclairage à réflecteurs sont désignés d’habitude, — ont l’avantage d’être légers et peu dispendieux ; mais ils conviennent mieux aux phares à éclipses qu’aux phares à feu fixe. Les miroirs métalliques qui en sont l’élément indispensable se ternissent bien vite et perdent leur poli sous l’influence corrosive de l’air marin ; il en résulte une fâcheuse déperdition de lumière. Enfin, même lorsque ces miroirs sont neufs et en parfait état, ils absorbent et éteignent, au lieu de la réfléchir, une forte partie de la lumière