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incidente. N’y aurait-il pas d’autres moyens de concentrer la lumière d’une lampe et de lui donner tour à tour dans chaque direction une intensité plus grande ? On sait par exemple qu’une lentille convexe jouit de la propriété de réfracter dans une direction parallèle à son axe tous les rayons d’une lumière placée à son foyer. De telles lentilles ne pourraient-elles remplir l’office des miroirs paraboliques ? Buffon déjà, sans s’occuper d’ailleurs de l’éclairage maritime, qui n’était pas alors en question, avait songé à faire fabriquer de grandes lentilles en verre, et afin d’éviter que ces masses vitreuses, minces sur les bords, mais de surface bombée, n’eussent au milieu une épaisseur trop considérable, il avait proposé de les entailler par échelons. Plus tard, Condorcet revint sur cette idée en insinuant que les lentilles à échelons, pour être d’une exécution plus facile, pourraient être composées de pièces et de morceaux séparés ; mais ces projets, formulés d’une façon assez vague, n’avaient d’autre but, dans l’intention de Condorcet et de Buffon, que de fabriquer des miroirs ardens pour la concentration des rayons solaires. On ne leur avait pas accordé une attention sérieuse, lorsque, en 1819, un jeune ingénieur des ponts et chaussées, déjà connu du monde savant par de beaux travaux sur l’optique, Augustin Fresnel, fut attaché à la commission des phares et eut mission de s’occuper de l’éclairage maritime. Fresnel conçut le même appareil que Buffon et Condorcet avaient proposé jadis, et il le perfectionna d’une manière admirable. Il composa des lentilles de fragmens taillés d’avance avec le plus grand art, raccordés ensuite l’un près de l’autre et solidement assujettis. Il calcula avec une exactitude mathématique la courbure et les dimensions que devait avoir chaque pièce de façon à concourir à l’effet commun. Il inventa encore des machines et forma des ouvriers pour la fabrication de ces nouveaux appareils. Il est juste de dire que les conseils d’Arago ne furent pas inutiles à Fresnel, qui eut aussi le bonheur d’associer à son œuvre un opticien d’un grand mérite, Soleil, capable d’entreprendre sur une large échelle la construction des nouveaux engins dont le service des phares avait besoin et de diriger avec habileté cette industrie improvisée.

C’est aux efforts de ces savans que l’on doit, à des modifications de détail près, les moyens d’éclairage les plus complets et les plus satisfaisans dont on ait jamais fait usage dans les phares. Les appareils lenticulaires ou appareils dioptriques donnent aux feux une intensité plus grande que les appareils catoptriques, et en même temps ils permettent d’en varier l’aspect par des combinaisons d’éclipses et d’éclats beaucoup plus nombreuses. Le premier de ces merveilleux appareils fut dressé par Fresnel lui-même en haut de la tour de Cordouan au mois de juillet 1823. Les navigateurs de