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tendresses de son sein maternel. « Les pulsations de la vie battent en moi avec une force nouvelle, pour saluer doucement l’aube qui colore l’éther… O terre, tu m’as aussi été fidèle cette nuit, et tu respires à mes pieds rajeunie. Déjà tu commences à m’entourer de plaisirs ; tu réveilles et tu excites en moi l’énergique résolution de tendre sans cesse à la plus haute existence. »

La passion l’a stérilement agité, misérablement trompé ; elle l’a jeté à terre, vaincu, anéanti sous le coup de la fatalité que la passion porte avec elle. C’est l’action maintenant qui va prendre sa vie, c’est l’action qui tente sa liberté rajeunie, réveillée comme en sursaut après les angoisses d’un rêve tour à tour enchanté et sinistre. Il ne consent plus à être le jouet du sort, comme doit l’être inévitablement toute âme qui s’est livrée et ne s’appartient pas. Il ne se mettra plus à la merci des événemens. Du droit de sa haute pensée, qui se ressaisit tout entière et qui prend le gouvernement de sa volonté, c’est lui maintenant qui dominera les événemens et qui dans sa mesure les fera. Dans le cercle que tracera son activité, il dira comme Prométhée : « Rien au-dessus de moi, rien au-dessous. » Il sera maître de tout, s’il sait ne rien craindre et ne rien espérer à l’excès, s’il sait ne pas se mettre sous la dépendance de la fatalité par les complicités secrètes et les lâchetés de son faible cœur. À ce prix, il sera roi, il sera dieu, un dieu terrestre, mais un dieu.

C’est l’éveil d’une activité héroïque, longtemps comprimée par de fausses directions ou par la violence des passions, et qui se lève maintenant pour s’emparer du monde. Faust aura parcouru ainsi, dans son ardent désir de tout expérimenter et de tout connaître, les sphères variées de l’âme humaine. Il a traversé, comme la tempête traverse les diverses zones du ciel, d’abord cette sphère haute et ténébreuse que la pensée spéculative, l’idéalisme, remplit de ses ambitions et de ses chimères, puis celle où l’amour répand ses enchantemens, ses mystères, ses délires. Il aborde enfin cette sphère vraiment humaine où la volonté recueille ses forces et se ramasse tout entière pour éclater au dehors en résolutions énergiques, pour dominer le monde à son heure et le transformer à l’image de sa pensée par la politique ou par les armes, par l’industrie ou par l’art. Le poème devient ainsi une grande allégorie, le drame de l’activité humaine, divinisée par la grandeur du but qu’elle poursuit et de la force qu’elle déploie.

Agir, telle va être désormais la destination de Faust régénéré ; il y trouvera les joies les plus nobles qui soient permises à un mortel, la félicité grave de se sentir utile, le bonheur d’améliorer autour de soi les conditions du sol ou celles de la société, la nature physique et le sort des hommes, ou même, ce qui est plus