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puis une garantie, une sorte d’assurance pour les chances de maladie, pour les infirmités de la vieillesse et pour les périodes de chômage, enfin, autant que cela est possible, un reliquat destiné à former un modeste capital à l’aide duquel ils espèrent sortir des rangs de l’atelier et devenir à leur tour patrons. Il faut donc qu’ils aient à leur portée des caisses qui reçoivent en dépôt la portion de salaire successivement prélevée en vue de satisfaire à leurs besoins éventuels et ultérieurs. Ce sont, pour la maladie, les caisses de secours mutuels, — pour la vieillesse les caisses de retraite, — pour le chômage la caisse d’épargne. On ne songe pas à détruire l’institution des sociétés de secours mutuels non plus que celle des caisses de retraite pour la vieillesse, dont il serait désirable au contraire que les ouvriers comprissent mieux l’utile mécanisme. Il ne s’agirait donc que de savoir, s’il convient de remplacer les caisses d’épargne par des sociétés de crédit qui pourvoiraient aux périodes de chômage et qui hâteraient la formation d’un petit capital. Or, pour la catégorie d’ouvriers dont il est ici question, la caisse d’épargne, qui s’ouvre à toute heure et rend sûrement ce qui lui a été versé, est et demeure préférable aux combinaisons plus ou moins compliquées d’une banque dont les résultats seraient soumis à toutes les éventualités qui affectent le crédit. Dans son propre intérêt, l’ouvrier salarié ne peut être que déposant : l’ériger en prêteur, alors qu’il doit au préalable employer le salaire à sa subsistance et aux prélèvemens de la maladie et de la vieillesse, ce serait le plus souvent une amère dérision ; le constituer emprunteur, ce serait presque toujours le plonger plus avant dans la ruine pour un temps indéfini. C’est l’épargne, c’est la prévoyance qui doit, bien mieux que l’emprunt, lutter contre le chômage ; c’est également l’épargne, réalisable sans délai et sans risque, qui peut fournir à l’ouvrier dont nous parlons le capital d’établissement.

La situation est différente pour les ouvriers qui travaillent isolément ou par petits groupes, et que l’on désigne d’ordinaire sous le nom d’artisans. Ici, à côté des caisses de secours mutuels, de retraite et d’épargne, il y a place pour le crédit, on peut même dire que le crédit est indispensable. Par la nature de ses opérations, l’artisan, qui doit acheter ses matières premières et vendre le produit fabriqué, n’est point seulement un ouvrier, il fait en même temps acte de commerce, et du moment que la rémunération de son travail n’est pas immédiate, il a besoin de ressources pour attendre qu’il ait réalisé le prix de son œuvre. L’emprunt qu’il fait dans de telles conditions est garanti par la valeur des matières premières et hypothéqué en quelque sorte sur le futur prix de vente qui comprendra tout à la fois le remboursement des avances, le