Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/711

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un tableau des plus intéressans. De la montagne de la Table, qui surplombe la ville du Cap de Bonne-Espérance, on voit s’étendre devant soi de l’est à l’ouest la colonie du Cap, dont les Anglais, possesseurs actuels du pays, ont reculé les limites jusqu’au fleuve Orangé ; c’est une surface de 35,000 kilomètres carrés qu’ils se sont adjugée par droit de conquête. Ils ont en main le commerce et remplissent tous les emplois publics. Les Hollandais, qui pendant deux siècles ont été les maîtres de la colonie, sont restés prépondérans dans la campagne, où ils dirigent de grandes exploitations agricoles. Au pied de la montagne, on distingue à l’est une belle vallée occupée par des descendans des Français que la révocation de l’édit de Nantes a exilés dans ces lointaines contées.

Les Hottentots indigènes sont condamnés à disparaître comme peuple ; réduits à une trentaine de mille, ils fournissent aux colons des ouvriers et des domestiques, au gouvernement des soldats, et se trouvent, sur cette terre dont ils ont été les seuls possesseurs, dans une situation des plus précaires, bien qu’ils jouissent, depuis l’abolition de l’esclavage, de tous les droits civils et politiques. Cette égalité, dont ils sont dignes par leur instruction (car tous savent lire et écrire), hâtera leur fusion dans la population d’origine européenne. Quelques groupes détachés sont encore indépendans, mais disparaîtront de même sous l’action progressive de la civilisation ; ce sont les Namaquois, qui ont dressé leurs tentes à l’embouchure du fleuve Orange, les Korannas, qui s’étendent le long de la rive gauche de la rivière du Fal, et les Boschmen ou hommes des buissons, qui stationnent dans le désert de Kalihari. Ces derniers sont les bohémiens de la race mélanique du sud de l’Afrique ; ils vivent en grande partie de vols et de brigandage, et les noirs comme les blancs leur font une guerre incessante.

La colonie du Cap a déjà donné naissance à trois autres états. À l’est, on trouve la Natalie, fondée par les Anglais, qui ont découpé en pleine Cafrerie un territoire montant en amphithéâtre de la mer aux Montagnes-Blanches, sur une longueur de côte de cinquante lieues. Cette colonie, qui a son gouvernement particulier, marche à grands pas vers la civilisation ; de bonnes routes relient les villes et les villages au chef-lieu, et des omnibus les parcourent dans plusieurs directions. Les deux autres états ont été créés par des fermiers hollandais qui, mécontens de l’administration anglaise et gênés dans l’exercice de leur autorité domestique par les règlemens issus de l’émancipation, ont pris la résolution de quitter la colonie et d’aller s’établir dans le pays arrosé par les principaux affluens de l’Orange, surtout par le Fal. Le premier de ces états s’appelle l’État-Libre et a pour chef-lieu Bloom-Fontaine, le second porte le nom de république du Transfal et s’étend au nord-est. Cette république