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milieu de cette belle nature sur un espace de 200 kilomètres, et, arrivé sous le 15° 30’ de latitude sud, il fut arrêté par une suite de chutes d’une grande magnificence ; elles sont au nombre de neuf, cinq grandes et quatre petites ; elles embrassent une distance de 60 kilomètres. Les inclinaisons de ces chutes varient en général de 20 à 45 degrés, mais la plus forte en a 75. L’eau de celle-ci tombe de 100 pieds de hauteur dans un espace de 300. C’est une cascade vraiment féerique : la somme de ces cataractes s’élève à 1,200 pieds.

Livingstone laissa son navire à Chebiza au pied de la première cataracte et s’achemina vers l’est en inclinant par degrés vers le nord. Les naturels étaient inquiets, soupçonneux, peu disposés à lui fournir des vivres et des guides. Ils ne pouvaient comprendre ce que venait faire ce blanc avec sa suite. Enfin, après un bon mois de navigation et de marche, il eut le bonheur de se trouver le 18 avril 1859 en face d’une belle nappe d’eau ; c’était le lac Shirvah, long de 100 à 125 kilomètres et large de 30. Ce lac est à 1,800 pieds au-dessus du niveau de la mer ; l’eau en est légèrement saumâtre et a le goût d’une légère solution de sulfate de magnésie, il est très poissonneux et fourmille de sangsues ; une ceinture de roseaux en dessine les contours, et le bassin dans lequel il repose est des plus pittoresques. Pendant que le docteur en étudiait la partie sud-ouest, les indigènes lui apprirent qu’il y avait un autre lac infiniment plus vaste qui se trouvait à une courte distance au nord. Il ne jugea pas prudent néanmoins de continuer son voyage et préféra, en revenant sur ses pas, faire comprendre aux naturels que son passage ne devait leur inspirer aucune crainte. Il se remit en route le 28 août. Comme on lui avait assuré que le Shiré sortait du lac dont il désirait faire la découverte, il n’avait qu’à suivre la rivière, qui venait du nord-est. Son voyage ne fut d’abord qu’une ascension assez pénible. Le bassin supérieur du Shiré est à 3,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Les villages construits dans ces lieux vraiment pittoresques étaient protégés par une haie épaisse d’euphorbe vénéneux, à l’ombre de laquelle aucune herbe ne peut pousser ; ils étaient ainsi à l’abri des attaques de leurs ennemis et de tout incendie. De beaux arbres en ornaient l’entrée. Les indigènes sont industrieux, ils travaillent le fer, filent et tissent le coton, sont d’habiles vanniers et cultivent bien la terre. Le sol est riche en millet, sorgho, pois, arachides, ignames, riz, citrouilles, concombres, cassave, patates, tabacs de plusieurs variétés, et en coton dont la qualité, au dire des experts de Manchester, ne laisse rien à désirer.

Au 14° 43’ de latitude sud, la rivière s’élargit subitement et forme