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l’instruction primaire, Talleyrand, Condorcet et Daunou. Sur le rapport de Talleyrand, la constituante vota l’organisation d’une instruction publique élémentaire, commune et gratuite pour tous. Condorcet, voulant transformer l’égalité de droit établie par la loi en égalité de fait amenée par l’instruction nationale, proposa la gratuité de l’enseignement à tous les degrés. La convention s’occupa à diverses reprises de l’instruction populaire. Elle décida d’abord qu’il y aurait une école primaire par 1,000 habitans. L’ignorance était punie de la privation des droits politiques. Chaque école était divisée en deux sections, une pour les garçons avec un instituteur, une pour les filles avec une institutrice, et le salaire de tous deux était fixé au minimum de 1,200 francs. À ce chiffre glorieux, si élevé pour l’époque, on reconnaît combien on prisait haut les fonctions de l’homme qui devait instruire le nouveau souverain, le peuple. Enfin à la veille de se séparer, le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), la convention adopta, sur le rapport de Daunou, un système infiniment au-dessous des hautes visées des premières années d’enthousiasme et de foi en l’avenir. L’état, qui devait d’abord suffire à tout, n’était plus tenu que de fournir les bâtimens. Le traitement de l’instituteur devait être payé par les autorités locales, et aucun minimum n’était fixé. Examiné par un jury spécial, l’instituteur était nommé par l’autorité départementale et surveillé par l’autorité communale. Toutes ces lois, monumens intéressans des idées qui dominèrent successivement, n’avaient pas abouti à établir une seule école, et la tourmente révolutionnaire avait emporté presque toutes les anciennes. Il est plus facile de créer une armée de soldats qu’un corps d’instituteurs, et on eut plus tôt fait de chasser du territoire l’ennemi du dehors que l’ennemi du dedans, l’ignorance.

L’empire, qui organisa l’instruction secondaire, ne fit presque rien pour l’enseignement primaire. La loi de 1802 confie la nomination de l’instituteur au conseil municipal, sous la haute surveillance du préfet. La commune doit fournir le logement. Le traitement se composera de la rétribution scolaire fixée par le conseil municipal. La gratuité est limitée au cinquième des élèves. Une seule fois l’instruction primaire reçut un subside du budget impérial : il s’élevait à 4,250 francs. Les frères furent admis à rouvrir leurs écoles en prêtant serment et sous la surveillance de l’université. Le seul service rendu par l’empire à l’enseignement primaire fut le décret du 17 mars 1808, autorisant la fondation de quelques écoles normales. La première fut créée à Strasbourg par un préfet dont l’Alsace n’a pas oublié la bienfaisance éclairée, M. Lezay de Marnesia. La restauration fit un peu plus que l’empire ; mais, par la composition des comités scolaires où l’élément ecclésiastique dominait, par les faveurs accordées aux congrégations enseignantes, elle en vint