Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/1033

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formait en une seule nation, d’autant plus que dans ces conditions nouvelles le danger militaire n’était plus même pallié par.une garantie diplomatique.

L’Italie, observera-t-on, avait pour sauvegarde le traité de Zurich ; c’est elle qui a brisé le droit public qui la protégeait, qui s’est mise en dehors de tout traité et qui s’est créé cette situation dangereuse. Les stipulations de Zurich, je n’en disconviens pas, ont eu du malheur. L’Italie n’est plus, c’est bien certain, dans les termes de ce traité ; mais l’Autriche n’y est pas davantage, puisque, selon les engagemens de Zurich, Venise devait être une province italienne et qu’elle est bien restée à coup sûr une province autrichienne ; ce que je veux dire, c’est que la situation respective de l’Autriche et de l’Italie n’est plus depuis longtemps qu’une situation livrée à la merci de la force, pleine d’inégalités périlleuses pour l’Italie et d’incessantes menaces. L’Autriche, il est vrai, n’a point profité de ses avantages ; elle est restée, comme elle ne cesse de le dire, dans la défensive ; mais elle est assurément libre de tirer parti de sa position. Il y a eu des momens, notamment en 1860, où elle a été tentée de le faire et où elle ne s’est arrêtée que devant cette déclaration, que si son armée passait le Pô, c’était la guerre qui recommençait avec la France. Il fallait bien que ce dessein pût être supposé, puisque lord John Russell s’en informait à cette époque avec inquiétude, et morigénait le cabinet de Vienne sur ses velléités belliqueuses en lui rappelant ce qu’il y avait de précaire dans sa domination à Venise. Si donc l’Autriche s’est arrêtée, c’est par des considérations étrangères à sa bonne volonté. Ce qu’il y a d’essentiel et de menaçant de sa part résulte de sa position même et de l’état dans lequel elle a laissé la Vénétie : double source d’excitations pour l’Italie.

L’Autriche, en vérité, est une puissance singulière. Il semble toujours qu’elle soit une victime, qu’elle passe sa vie à se défendre, même quand elle trempe dans toutes les complicités et qu’elle étend sa domination. Que la Pologne dans un jour de malheur devienne un objet de convoitise pour ses redoutables voisins, l’Autriche prend sa part du butin, mais c’est en gémissant, en restant la meilleure amie des Polonais, et uniquement pour ne pas déranger l’équilibre des forces. Que, plus récemment, l’occasion se présente de se jeter sur un petit peuple honnête et libre, l’Autriche ne refuse pas ; mais c’est pour contenir la Prusse, pour rassurer l’Europe, et si au jour du partage des dépouilles la querelle s’allume entre complices, parce que l’un veut tout prendre, la politique impériale est évidemment encore une victime. Au fond, ce qu’on appelle la défensive de l’Autriche vis-à-vis de l’Italie, c’est ce que le prince de Metternich et le