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nécessairement conduits à concentrer leurs forces le plus possible. La paix de Villafranca a fait réellement en un jour plus d’unitaires que quarante ans de prédications. Un des hommes les plus remarquables de la Toscane, M. Galeotti, le disait encore récemment dans une série d’études et de souvenirs sur la première législature du royaume d’Italie. « Ma foi unitaire, écrit-il, date de la guerre de 1859, parce qu’alors seulement elle me parut possible. Après la paix de Villafranca, il ne fallait pas une grande pénétration d’esprit pour voir qu’en dehors de l’unité il n’y avait aucune autre possibilité de salut pour nous, pour le royaume de Sardaigne, contre les étrangers, contre les trahisons. Quand les ennemis de l’Italie acceptaient si vite, si aisément le drapeau de la fédération, ils nous indiquaient clairement dans quel camp nous pouvions nous défendre contre leurs assauts, et plus encore que contre leurs assauts, contre leurs artifices… »

Ce qui s’est passé sous l’impression de la paix de Villafranca s’est renouvelé au lendemain d’un autre acte qui a été, lui aussi, une des crises de l’unité italienne, la convention du 15 septembre 1864 et la translation de la capitale de Turin à Florence. Ce jour-là, il y a eu une volte-face presque subite ; l’objectif le plus direct de l’Italie a changé. La veille encore, c’était Rome ; le lendemain, c’était Venise. C’est là ce qui ralliait à l’acte du 15 septembre et au changement de capitale une multitude d’esprits. « Je ne veux pas, disait M. Boncompagni dans le parlement, je ne veux pas faire un programme de gouvernement pour des éventualités futures plus ou moins possibles, plus ou moins probables. Je rappellerai seulement que notre programme comprenait deux termes : Rome et Venise. Ces deux termes ne peuvent être changés, mais ils peuvent être intervertis : Venise et Rome ! » Aux yeux du général La Marmora lui-même, qui dépouillait, il est vrai, son caractère officiel de président du conseil pour parler comme simple député, mais qui ne s’exprimait pas moins clairement, aux yeux du général La Marmora, quel était le sens de la convention du 15 septembre ? C’était un ajournement de la question romaine qui devait trouver sa compensation d’un autre côté. Il énumérait ses raisons d’espérer, de croire à un acheminement vers quelque combinaison dont la France serait la négociatrice, et il ajoutait familièrement, comme s’il eût voulu montrer la plume du diplomate avant de montrer la pointe de l’épée : « Si dans une telle circonstance j’avais à parler directement avec l’empereur d’Autriche, j’aurais à lui donner des argumens d’intérêt réciproque qui, il me semble, devraient le convaincre ; mais assez sur ce point ! » Dans cette discussion même se révélait comme orateur un homme qui est aujourd’hui au premier rang dans l’exécution de