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si l’hostilité du cabinet prussien contre l’Autriche ne lui en eût fourni l’occasion.

Personne n’ignore que, dans les deux premiers mois de cette année, le ministère italien se préoccupait exclusivement de l’amélioration de ses finances, ne songeait qu’à faire des économies, et avait même préparé un plan de réduction de l’armée qui devait procurer d’importantes diminutions de dépenses. Les projets de M. de Bismark, ouvrant à l’Italie d’autres perspectives, changèrent tout cela. Or c’est au moment où l’Italie allait se lier à la Prusse que l’on était véritablement maître de la question de la paix ou de la guerre. Il est impossible qu’à l’heure où l’Italie allait mettre ainsi en jeu son existence, elle ait laissé ignorer sa perplexité au gouvernement français, ou ait décliné les avis d’une nation qui lui a donné autant de gages d’amitié que la France. Si nous rappelons ces deux grandes occasions où la politique de la paix a pu l’emporter sur la politique de la guerre, ces deux circonstances décisives qui fixeront l’attention de l’histoire bien plus qu’elles n’ont attiré celle des contemporains, ce n’est plus pour nous livrer à des récriminations inutiles : c’est simplement pour constater que l’importance ne nous en est point échappée à nous-mêmes, que nous les avons signalées à l’époque où elles se produisaient, et que nous n’avons cessé de protester contre la politique d’indifférence qui, en laissant tout faire, nous a conduits aux extrémités terribles et aux formidables incertitudes de la situation présente.

Après cela, la proposition d’une conférence à la veille de l’ouverture des hostilités était sans doute un expédient bien tardif et bien débile ; mais nous ne devions point décourager cette tentative de la dernière heure. Elle semblait inspirée par un désir très sincère de sauver la paix ou du moins d’en assurer le bienfait à la France. Chose curieuse, les personnes les mieux autorisées croyaient chez nous à la conférence. À en juger par le langage que tinrent le 1er  et le 2 juin les journaux officiels, notre gouvernement ne mettait nullement en doute l’adhésion de l’Autriche. Notre ministre des affaires étrangères n’était point encore détrompé quand il allait honorer de sa présence, à Montereau, une de ces fêtes locales auxquelles il aime tant à présider. Malheureusement il s’était tenu à Vienne le 1er juin un conseil de cabinet. Ce conseil avait duré cinq heures. On y résolut d’accompagner l’acceptation de la conférence des réserves qui en rendaient l’action impossible. Le gouvernement autrichien fit connaître à la suite de ce conseil, par le télégraphe, sa décision à son ambassadeur à Paris. Il paraît qu’un peu embarrassé de ce dénoûment inattendu, le prince de Metternich voulut, avant d’en donner avis à notre gouvernement, attendre l’arrivée même de la dépêche écrite que lui annonçait son cabinet. Cette dépêche lui parvint le dimanche : M. Drouyn de Lhuys étant à Montereau, M. de Metternich alla la porter à l’empereur ; mais déjà les résolutions de l’Autriche étaient connues par Londres, où le télégraphe les