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dévouement spontané et nullement factice avec lequel (la Vénétie exceptée) toutes les provinces, même les plus désaffectionnées jadis, se serrent maintenant autour du trône impérial devant les provocations de la Prusse. — Toutefois, et à ses débuts notamment, un pareil essai de transformation et de véritable régénération d’un vaste empire ne pouvait pas manquer d’amener avec lui une certaine dislocation de la machine gouvernementale, et produire les tâtonnemens, les tiraillemens inséparables de toute grande épreuve… En de telles circonstances, un incident étranger et inopiné comme celui que venait de soulever M. de Bismark devait nécessairement embarrasser Vienne, y diviser les esprits sur la conduite à tenir et introduire une divergence d’appréciations jusque dans le sein même du gouvernement. Il était bien naturel par exemple que M. de Mensdorff, qui dirigeait les affaires étrangères, se sentît plus directement provoqué et blessé par le programme de M. de Bismark et penchât vers une résistance opiniâtre. Il était non moins naturel que M. de Belcredi, l’homme éminent qui avait à réorganiser l’administration de toutes les provinces, à constituer l’empire sur des bases nouvelles, fût surtout préoccupé de la réussite de sa généreuse entreprise, voulût éviter autant que possible les complications diplomatiques, et se souciât beaucoup moins que son collègue de la question du Slesvig-Holstein, cette expédition lointaine de François-Joseph. A ces embarras du dedans vinrent s’ajouter, comme de raison, les appréhensions du dehors. Tout en réduisant à leur juste valeur les bruits alors comme dans ces derniers jours habilement propagés par M. de Bismark sur ses moyens et menées, — une entente avec l’Italie, des intimités avec Paris, des intelligences avec la Bavière ou tel autre état secondaire, — on dut cependant s’avouer que l’Europe en général était aussi peu édifiante depuis quelque temps dans ses principes que dans ses relations, et que déjà les données connues et les arrangemens avoués ne laissaient pas d’avoir leur côté mystérieux, leur point obscur, insondable. Il faut bien ne jamais l’oublier : par sa position géographique comme par ses traditions diplomatiques, l’Autriche sera toujours la plus circonspecte, la plus lente, et à certains égards même la plus endurante des grandes puissances, malgré la confiance que lui inspirent son armée, son bonheur proverbial et le juste sentiment de sa nécessité, de son indispensableness, comme diraient les Anglais, pour l’équilibre du monde.

Dans des proportions moins grandes, il est vrai, mais toujours à cause du même différend, la crise d’alors (fin juillet et commencement d’août 1865) ressembla donc exactement à celle que l’on traverse à cette heure : ce fut, pour ainsi dire, la répétition générale