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Quant au point culminant et à la conclusion véritable de la circulaire du 24 mars, quant à ce raisonnement sublime par lequel la Prusse voulait chercher désormais sa sécurité auprès des états secondaires en leur demandant de lui sacrifier la leur, le moins qu’on pouvait dire, c’est que la missive se trompait d’adresse. M. de Bismark priait gracieusement les gouvernemens moyens d’abdiquer, de lui livrer leurs forteresses, leurs soldats, leurs relations extérieures. Or c’était non pas aux gouvernemens dans tous les cas qu’il fallait faire de pareilles demandes, quelque éclairés et patriotiques qu’on voulût les supposer, mais bien à la négation de l’ordre existant, à la passion populaire, à la révolution…

Aussi, lorsque l’Autriche répondit à cette provocation par la note du 31 mars, où elle s’en rapportait simplement à l’article 11 du pacte fédéral dont il a été parlé plus haut, lorsque les gouvernemens secondaires ne surent non plus donner un autre conseil à la Prusse en détresse et se disant la victime du machiavélisme de Vienne, M. de Bismark lança-t-il son appel au peuple. Il saisit la diète de son projet de réforme fédérale (9 avril). Il demanda l’unité de l’Allemagne, une constituante à Francfort, le suffrage universel pour tous les peuples de la Germanie !… Le plan du grand homme parut dès lors dans toute sa beauté, et ne fit depuis que s’accuser chaque jour avec plus de relief. Il consiste à tenir l’Autriche en échec sur le terrain diplomatique par des arguties sur les armemens auxquelles le cabinet italien ajouterait selon ses forces, — sur le terrain national par des avances faites à la démocratie. On compte exaspérer l’Autriche, l’amener à quelque démarche compromettante… Le premier de ces moyens n’est pas tout à fait nouveau, on le sait ; il fut supérieurement manié en 1859, et M. de Bismark pourrait même en trouver le modèle primitif et déjà parfait dans l’histoire de son propre pays, dans les préludes de la guerre de sept ans. Le second ne manque pas d’une certaine originalité, du moins par rapport au personnage. Celui qui se met ainsi à la tête du National Verein, c’est l’homme qui, il y a un mois à peine, accusait l’aigle