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aux nécessités. Aussi, malgré la répugnance prononcée contre tout ce qui est emprunt ou expédient plus ou moins usuraire, bien des gens sont d’avis qu’on sera forcé d’en venir encore une fois aux remèdes héroïques. L’emprunt serait difficile, ou du moins il faudrait subir des conditions désastreuses qui jetteraient le découragement parmi les anciens créanciers. Il y a une autre ressource considérée assez généralement comme la réserve suprême : c’est l’asse ecclesiastico, le patrimoine de l’église ; mais est-il bien facile de le monétiser ?

On s’est longtemps exagéré l’importance des biens du clergé et des ordres religieux. On imprimait encore, il y a deux ou trois ans, que ces biens produisaient un revenu effectif de 170 millions de francs, dont la capitalisation représentait une valeur dépassant de beaucoup 3 milliards. Un projet de loi sur la matière, présenté dans la séance du 13 décembre 1865, a été préparé par des recherches très précises sur le personnel et les ressources de la société religieuse dans le royaume italien. On avait exagéré les richesses du clergé : elle est encore considérable. Consigner ici quelques détails à ce sujet, ce n’est pas sortir du domaine de la finance.

Le royaume d’Italie, tel qu’il est distribué en 59 provinces, avec 22 millions et demi d’habitans, comprend 235 diocèses. Cela donne environ 96,000 âmes par diocèse. Il n’y a pas un autre pays catholique, les états romains exceptés, où la proportion moyenne soit aussi forte[1]. Le monde entier ne compte que 680 sièges épiscopaux, et l’Italie, moins Rome et la Vénétie, en renferme plus du tiers. La limitation de ces diocèses ne correspond à aucune règle : c’est l’œuvre du temps et du hasard. L’archevêché de Milan dirige plus de 1,100,000 fidèles : il y a 16 diocèses qui en renferment plus de 200,000, et puis les troupeaux vont en diminuant jusqu’au-dessous de 10,000. On cite même en Sardaigne un petit village décoré du titre d’évêché qui, avec un millier d’habitans, a l’honneur de posséder un chapitre cathédral de 20 chanoines et de 18 bénéficiers.

En aucun pays du monde, l’épiscopat, pris dans son ensemble, n’est aussi riche qu’en Italie. En France, cardinaux, archevêques et évêques sont inscrits au budget pour 1,691,500 francs ; le traitement des simples évêques est de 15,000 francs. Dans le royaume d’Italie, les revenus épiscopaux dépassent 9 millions : si on les partageait entre les 235 sièges, le contingent moyen serait de 34,000 fr. ; mais comme ce patrimoine s’est constitué par des acquisitions éventuelles, on trouve des évêques qui ont plus de 100,000 francs de rente et d’autres moins de 5,000 francs.

  1. La population moyenne des archevêchés ou évêchés est calculée ainsi : Espagne, 300,000 âmes par diocèse ; — Portugal, 266,000 ; — Bavière, 397,000 ; — empire d’Autriche, 490,000 ; — France, 450,000 ; — Belgique, 590,000.