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exproprier l’acquéreur en cas de non-paiement des intérêts. Ces titres seraient d’ailleurs endossés par la société financière qui les aurait créés et par le gouvernement qui les aurait délivrés. Avec cette triple garantie, ils réuniraient les avantages du gage territorial et ceux du titre mobilier, ils deviendraient une des valeurs les plus solides qui fût au monde ; on y pourrait même attacher des chances de plus-value qui associeraient le clergé italien aux profits que doit donner le passage de la mainmorte à l’industrie privée. Le clergé ne serait pas assujetti au budget, et toutefois sa transformation n’échapperait pas, comme dans le système de M. Minghetti, au contrôle de l’état. Il est évident aussi que cette combinaison n’exposerait pas la propriété foncière à être avilie par une concurrence brutale : au contraire, une opération ainsi conduite relèverait le niveau de l’agriculture. Cette catégorie de petits propriétaires, amenée sur un terrain mal exploité aujourd’hui par la mainmorte, augmenterait la production nationale et fournirait des ressources nouvelles au trésor. L’attachement de ces nouveau-venus au régime actuel deviendrait une force politique, comme a été en France le morcellement des biens nationaux.

Les impressions que nous a laissées cette analyse financière se résument pratiquement en peu de mots. Pour le royaume d’Italie, le nœud de toutes les difficultés est à Rome. Or, si les finances italiennes sont embarrassées, celles de la cour de Rome sont dans un état irrémédiable. Avec les dettes qui resteront à sa charge et la nécessité incessante d’emprunter, le pouvoir temporel est dans l’impossibilité absolue d’exister. Il le sait, et ce qui le soutient, c’est la conviction qu’il a de son côté que le nouveau royaume d’Italie n’a pas de base solide, que la force des choses brisera les arrangemens de septembre, et que les embarras du gouvernement romain disparaîtront dans quelque liquidation providentielle. Si cette espérance ne se réalise pas assez promptement, le chef de l’église, daignant ouvrir les yeux, abandonnera en principe cette souveraineté temporelle qui n’est déjà plus une réalité.

Le suprême intérêt de la nationalité italienne est de pouvoir attendre les effets de la convention de septembre. Qu’on gagne deux ou trois ans, et la question vitale est résolue. L’obstacle à ce plan est dans la crise financière. Nous avons vu qu’elle n’est pas irrémédiable. Par des combinaisons d’économies et de surtaxes auxquelles l’opinion est déjà résignée, on arrivera certainement à resserrer le déficit à un point ou il cessera d’être menaçant ; mais il ne faut pas sortir du discrédit pour retomber dans un autre danger, l’exagération des impôts. En temps calme, le devoir du financier est de conformer les faits aux principes. Dans les époques de transition révolutionnaire, la fiscalité devient une affaire de mesure et