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et vaincus. Nous reproduirons quelques-unes des scènes qu’a retracées Eunape ; mais ce biographe s’est principalement étendu sur les philosophes ou sophistes de l’école de Pergame, et pour comprendre l’état d’exaltation mystique et de crédulité superstitieuse où était tombé ce groupe de théosophes, il est indispensable que nous disions un mot de Jamblique, leur véritable maître, et de son livre sur les Mystères égyptiens.

Ce code de la théurgie, mais de la théurgie qui tâche de s’élever à la hauteur et à la dignité d’une science régulière, peut être considéré aujourd’hui comme une nouveauté, tant il est peu connu et tant il a été rarement publié. Consulté de temps en temps par les philosophes de profession, il dormait tranquillement depuis près de deux siècles dans l’édition de Thomas Gale, donnée à Oxford en 1678, quand il a été enfin réimprimé à Berlin, en 1857, par M. Gustave Parthey, avec la lettre de Porphyre au prêtre Anébon, à laquelle il sert de réponse. La Vie d’Apollonius de Tyane est plus dramatique et plus piquante, mais elle n’est pas plus instructive que le livre des Mystères égyptiens. Comparés à cette exposition de la science théurgique, les traités modernes de spiritisme ne semblent être que des jeux d’enfans ou de ridicules mystifications. On trouve là une apologie des évocations parfois si ingénieuse et si profonde que, puisque Jamblique n’a pu réussir à fonder solidement sa doctrine, c’est bien fini, et il n’y a pas à recommencer. Quelques détails feront juger de cette polémique singulière entre Porphyre et Jamblique.

On était à la fin du IIIe siècle. Le christianisme grandissait, et Constantin était proche. A l’influence croissante de la nouvelle religion, Porphyre, le plus illustre disciple de Plotin, avait opposé la critique des livres saints et surtout la théorie de l’identification avec Dieu, à laquelle on arrivait par la pureté morale, la contemplation et enfin l’extase ; mais, quoiqu’il eût dans sa jeunesse adopté en partie les pratiques mystérieuses où inclinait son école, Porphyre en avait dédaigné les excès. Son condisciple Jamblique n’imita point cette sagesse. Il voulut, comme le christianisme, agir non sur les seuls philosophes, mais sur l’imagination du grand nombre, et poussa la science dans les voies de la théurgie. Il crut, sincèrement peut-être, et dans tous les cas il enseigna que les évocations, la divination, les sacrifices, conduisaient sûrement à l’union avec la Divinité et au bonheur parfait. Porphyre vieillissant s’effraya de cette déviation du néoplatonisme. Il la combattit dans sa Lettre à Anébon, où il expose les doutes les plus catégoriques au sujet de la théologie mystagogique, qui répugnait à sa raison. Jamblique répliqua : on va voir comment.

Par exemple, Porphyre avait demandé à quels signes on peut