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n’en coûte ni plus ni moins, il n’est ni plus ni moins équitable de reconnaître la bonne foi de Chrysanthe, de Sosipatra, de Plutarque, de Proclus, d’Olympiodore, d’Hypatie. De leur dévotion persévérante il est permis de dire aussi « qu’une comédie ne saurait être ni si longue, ni si bien jouée. » D’ailleurs le charlatanisme ne résiste pas à la persécution, et on va voir que les derniers alexandrins y résistèrent.


III

Exposer dans les moindres détails les phases diverses de la lutte qui se prolongea entre le culte nouveau et les païens philosophes depuis Constantin jusqu’à Justinien, ce sera la tâche de quiconque écrira une histoire spéciale de l’école d’Athènes, histoire qui est encore à faire, même après de vastes et savans travaux. Dès à présent il est possible d’établir, par quelques faits choisis et prudemment contrôlés, que les philosophes attachés à la religion grecque eurent à subir de cruelles épreuves, qu’ils les traversèrent sans se décourager, et que leur constance, qu’on peut d’ailleurs regretter, témoigne en faveur de la pureté d’intention et de la loyauté religieuse des meilleurs et des plus éminens d’entre eux. « Il faut se défier, a-t-on dit avec raison, de tous les récits d’Eunape qui touchent au christianisme ; mais ces récits, quelque altérés qu’ils puissent être par la passion, n’en sont pas moins intéressans pour celui qui veut tout connaître et entendre aussi le parti vaincu. » Donner la parole aux vaincus, tout étudier pour tout connaître, c’est l’impérieux besoin de la science actuelle ; c’est aussi son devoir. Lorsqu’elle remplit ce devoir avec l’impartialité sereine d’un juge consciencieux, nul n’a le droit ni de s’en offenser ni de s’en plaindre, surtout si elle sait se garder d’imputer à de sublimes doctrines les excès de ceux qui les ont interprétées à contre-sens.

C’était un terrible temps que celui dont nous parlons. Qu’on en lise l’histoire dans les chroniques byzantines, et l’on se réjouira d’être né quatorze cents ans plus tard, fût-on d’ailleurs pessimiste à l’égard de l’heure présente. Ce qu’on appelle aujourd’hui tolérance, liberté de conscience, liberté des cultes, tentait d’être par momens, puis s’évanouissait aussitôt. Les élémens religieux et les intérêts politiques avaient été si anciennement confondus, ils tendaient encore tellement à se confondre que toute dissidence en matière de culte était ou semblait être une disposition hostile envers l’ordre public. Les édits de tolérance brillaient un instant comme un soleil bienfaisant dans un ciel pur, puis ils disparaissaient, et la tempête recommençait, battant aujourd’hui les chrétiens, demain les païens, au gré des souffles contraires. A partir du règne de