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années d’observations simultanées en Europe, nous expose des faits importans, et agira sur l’opinion publique en démontrant l’utilité pratique des correspondances météorologiques pour la navigation, le commerce et l’agriculture. Vingt-quatre cartes et de nombreuses figures intercalées dans l’ouvrage facilitent l’intelligence du texte.

Lavoisier, dont le nom se retrouve à l’origine de toutes les grandes découvertes et de toutes les grandes conceptions de la science moderne, avait conçu et réalisé en partie, avec Laplace, d’Arcy, Vandermonde, de Montigny, l’idée d’observations météorologiques simultanées sur toute la surface de la France : déjà un certain nombre de baromètres et de thermomètres avaient été distribués afin d’arriver non pas à la prédiction, mais à la prévision du temps. « Les données nécessaires pour l’art de prédire les changemens qui doivent arriver au temps, disait Lavoisier, sont l’observation journalière et habituelle des variations de la hauteur dans le baromètre, la force et la direction des vents à différentes élévations, l’état hygrométrique de l’air, etc. Avec toutes ces données, il est presque toujours possible de prévoir un ou deux jours d’avance avec une très grande probabilité le temps qu’il doit faire ; on pense même qu’il ne serait pas impossible de publier tous les matins un journal de prévisions qui serait d’une grande utilité pour la société[1]. » Cinquante-huit ans après la mort tragique de Lavoisier, les fondateurs de la Société météorologique de France écrivaient dans leur circulaire aux physiciens : « Avant peu, l’Europe sera sillonnée de fils métalliques qui feront disparaître les distances, et permettront de signaler les phénomènes atmosphériques à mesure qu’ils se produiront, et d’en prévoir ainsi les conséquences les plus éloignées. » En 1855, M. Leverrier, directeur de l’Observatoire de Paris, à l’occasion de l’ouragan qui, le 14 novembre 1854, fit périr devant Sébastopol le vaisseau le Henri IV, proposa à l’empereur un projet d’observations simultanées qui seraient transmises journellement à Paris par le télégraphe électrique. Ce projet reçut « l’approbation du souverain, et dès le milieu de juin 1856 le réseau français était organisé et relié à plusieurs des villes les plus importantes de l’Europe. Grâce à ce réseau, on connaît chaque jour à l’Observatoire de Paris l’état du ciel d’une grande partie du continent, et l’on peut signaler l’approche d’une tempête aux autorités du pays vers lequel elle se dirige. Le nombre des stations météorologiques s’élève maintenant à 60, et les dépêches sont centralisées tous les jours à l’Observatoire impérial avant 11 heures du matin. La station la plus septentrionale est celle de Haparanda au fond du golfe de Bothnie ; la plus méridionale, Porto en Portugal. Ces observations reçues, on marque sur une carte muette de l’Europe la hauteur du baromètre de chaque station réduite au bord de la mer et la direction du vent. Lorsqu’une grande bourrasque parcourt notre

  1. Œuvres de Lavoisier, publiées par les soins du ministre de l’instruction publique, t. II, p. 770.