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recherches, un grand nombre de documens précieux pour l’histoire générale sans attendre que ce service nous fût rendu par M. d’Arneth. Si les archives de Vienne possèdent par exemple les originaux des lettres de Louis XVI à Joseph II, nous en avons les minutes : c’est le cas du moins pour plusieurs pièces du récent volume publié à Vienne. La correspondance particulière du roi avec Vergennes, conservée aussi dans nos Archives générales, aurait fourni d’excellentes pièces, parfaitement inédites et authentiques, et donnant sur une foule d’affaires importantes la pensée intime et les réflexions de Louis XVI. Rien de plus intéressant que de suivre dans ces documens manuscrits le travail patient, scrupuleux, exact, de ce chef d’état qui veut accomplir dignement sa tâche. Vergennes, ministre des affaires étrangères, envoie avant chacune de ses conférences avec le roi des notes, des résumés, des questions, des comptes-rendus, et souvent Louis XVI, pour mieux préparer ou pour abréger le travail de la prochaine conférence, donne par écrit au ministre, sous forme de lettres autographes et signées, ses avis, ses résolutions, ses ordres ; ainsi s’engage une correspondance qui n’est destinée à nulle autre personne, et dans laquelle prennent place les communications secrètes et les confidences. Louis XVI n’y épargne pas sa peine : il va jusqu’à copier de sa main, pour les faire connaître au ministre sans se dessaisir des originaux, les lettres qu’il reçoit directement des autres souverains, par exemple du roi d’Espagne. On reconnaît, pour tout dire, ce souverain bien intentionné, à l’âme honnête, à l’esprit droit et exact, qui, dans un temps moins agité, sur une scène moins vaste, eût été un excellent roi. Le contraste est singulièrement frappant entre ces lettres d’affaires des premières années du règne, qui sont intelligentes, nettes, très dignes, et les lettres personnelles émanées de la même plume pendant les années de lutte. Nous ne parlerons pas, encore une fois, de la dernière période, celle du martyre ; tout en pensant qu’il faut désormais ne plus admettre aucune pièce attribuée à Louis XVI et à Marie-Antoinette sans une recherche préalable d’authenticité, nous n’en savons pas moins de science certaine combien l’excès du malheur a élevé l’âme du roi et l’âme de la reine : ils ont combattu l’un et l’autre un dernier et rare combat d’où ils ont conquis une suprême gloire ; mais les cruels débats qui ont précédé ont montré Louis XVI accablé par les difficultés et s’affaissant sous leur poids. Ses lettres deviennent alors indécises, confuses, presque illisibles : je n’en veux pour preuve que sa longue lettre d’affaires à M. de Breteuil, du 3 décembre 1791, document si curieux pour son histoire et que nous avons fait connaître ici pour la première fois. Si nous avions donné cette pièce tout entière, comme il faudrait le faire dans un recueil de documens, on y aurait trouvé des