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répéterai ici pour la commodité du lecteur et la mienne, bien que je sache combien ces termes d’une précision mathématique rendent imparfaitement compte de la complexité des actes humains. Conciliation des principes, ai-je dit, tel avait été l’espoir de M. de Serre, cruellement déçu par les événemens. Accommodement des intérêts, telle fut la voie par laquelle M. de Villèle se flatta d’être plus heureux. Ajoutons, pour être tout à fait équitable, qu’il fut poussé dans cette direction par un procédé d’esprit tout à fait analogue à celui de M. de Serre. Comme M. de Serre, ce fut de son expérience personnelle qu’il cherchait à faire profiter son pays et son parti, et le chemin qu’il voulut leur faire parcourir était celui même par lequel venait de passer sa propre intelligence.

Pour lui en effet, pas plus que pour M. de Serre, sept années de vie publique n’avaient été stériles. Le ministre de 1822 n’était plus le même homme et ne voyait plus les choses exactement du même œil que le royaliste de 1815. Non qu’on puisse surprendre chez M. de Villèle, à aucune époque de sa vie, rien qui ressemble à ce puissant et scrupuleux travail de réflexion par lequel M. de Serre était venu à bout de mettre d’accord ses convictions héréditaires avec les principes nouveaux de la société moderne. M. de Villèle ne connut jamais ces labeurs féconds de la pensée. En fait de principes politiques proprement dits, sa profession, toujours simple et nette, n’avait pas varié. Pouvoir inamissible et presque illimité de la royauté, hiérarchie des classes sociales et droit de la noblesse à former un corps privilégié, alliance intime du trône et de l’autel, ce triple symbole qu’on lui avait appris à réciter dans son enfance n’avait souffert de sa part ni restriction ni dissidence. Dans la réunion de ces élémens consistait toujours pour lui l’idéal d’une société politique bien ordonnée. Cette conviction si bien assise le conduisait nécessairement à envelopper dans un jugement d’une sévérité uniforme à peu près toutes les institutions tant civiles que politiques de la France du XIXe siècle, car il n’en était aucune qui, passée au crible d’une orthodoxie si rigoureuse, ne dût paraître entachée par quelque côté d’esprit révolutionnaire ou irréligieux. Pas plus en 1822 qu’en 1815, M. de Villèle n’hésitait à porter cette condamnation générale sur la révolution de 1789 et sur toutes ses conséquences.

Seulement condamner une chose en théorie, ce n’est pas renoncer éternellement à s’en servir en pratique ; autrement, la perfection n’étant pas de ce monde, toute action ici-bas et la vie elle-même deviendraient impossibles. Il n’est point d’homme qui ne soit obligé plus d’une fois en sa vie à faire usage de lois existantes dans son pays dont le principe lui répugne. Le sage se prête avec patience à cette condition ; l’habile homme fait quelque chose de