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dans le conflit fera de son mieux pour en sortir à son avantage ; mais elle ne la recherche pas. Son désir notoire serait de l’éviter. La Prusse dira-t-elle qu’elle a été provoquée par l’Autriche ? Le gouvernement prussien est un grand gouvernement, éclairé, auquel tous les princes qui ont régné à Berlin depuis le commencement du siècle ont laissé des traditions d’honnêteté. Et pourtant, s’il tenait un pareil langage, personne au monde ne le croirait. Le cas de l’Italie est-il plus favorable dans la circonstance ? Les Italiens prétendent que Venise est à eux. Il faut cependant remonter l’histoire jusqu’à l’empire romain pour y trouver l’union de Venise avec l’Italie sous un seul et même souverain. Certainement ce fut une faute en 1797 que de détruire l’indépendance de Venise pour en transférer la souveraineté à une puissance allemande ; certainement Venise a conquis par sa noble attitude en 1848 les sympathies des libéraux de l’Europe et du monde ; certainement il est désirable que Venise cesse de porter un joug qui lui pèse et dont les inconvéniens pour l’Autriche elle-même sont reconnus de celle-ci. Enfin il est probable que, s’ils étaient rendus les arbitres de leur destinée, les Vénitiens aujourd’hui préféreraient au rétablissement de leur indépendance leur annexion au royaume d’Italie. Suit-il de là que le roi d’Italie soit fondé à soutenir qu’on le dépouille et qu’on l’offense en refusant de lui livrer la Vénétie, et que pour la conquérir il est autorisé à prendre aujourd’hui les armes ? Les Italiens sont habiles à rédiger des documens ; je doute pourtant qu’ils parviennent à dresser un manifeste à cet effet qui supportât la discussion. Parce qu’il est désirable, sauf l’approbation explicite des Vénitiens consultés à cet effet, que Venise soit incorporée au royaume d’Italie, est-ce une raison suffisante pour que l’Italie déclare la guerre à l’Autriche afin de la contraindre sur l’heure à lui céder Venise ? Où donc en serait-on, et que resterait-il d’un droit public quelconque, si à tout instant il était licite d’accomplir sur l’heure par la force des armes tout ce qui est désirable par cela seul que c’est désirable ? Il s’est introduit de nos jours plus d’une innovation dans la politique, et il faut s’en applaudir, car la plupart de ces nouveautés sont heureuses et fécondes ; mais ce ne serait pas une innovation avouable que celle qui consisterait à récuser la patience et la temporisation comme des expédiens usés, à ériger en principe que, lorsqu’une question se présente, elle doit être résolue à la minute, et à poser en règle que le sabre est le seul moyen de dénouer les difficultés. Cette nouveauté prétendue serait le retour aux usages de la barbarie.

Les Italiens disent que la paix armée les fatigue et les épuise ; mais la guerre les épuiserait bien davantage. Où ont-ils en effet