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qui-vive, les petits états doivent sans cesse trembler ; leurs souverains, le soir en se couchant, ne sont pas assurés de se retrouver le matin à leur réveil la couronne sur la tête.

Un ordre stable n’est possible que sur des bases nouvelles, c’est une vérité reconnue aujourd’hui ; mais on est d’accord seulement sur ce qui peut s’appeler la partie négative du sujet, c’est-à-dire sur ce point que les fondations manquent à l’édifice européen, qu’il est indispensable d’avoir un nouveau traité de Westphalie. Sur ce que seraient ces fondations, sur ce que pourraient être les stipulations de ce traité, l’unanimité fait place au désaccord : chacun a ses opinions qu’il maintient et qu’il garde.

Je n’ai point, Dieu m’en préserve, la présomption de me croire capable d’indiquer ce que pourraient être ces bases nouvelles. Les différens états de l’Europe ont des diplomates qu’ils paient chèrement pour examiner et élaborer les problèmes de ce genre. Ces hauts fonctionnaires ont une belle occasion pour déployer leurs talens et leur savoir-faire. Ils seront sans doute heureux de la saisir. Ils ont dû déjà se livrer à de profondes méditations sur ce sujet. Le public européen attend, disposé à les écouter comme des oracles ; il applaudira vivement si on lui apporte un arrangement passable, et son suffrage pèsera dans la détermination des gouvernemens intéressés.

Composée comme elle le sera des représentans de sept puissances seulement, à savoir, les trois neutres, la France, l’Angleterre et la Russie, les trois quasi-belligérantes, l’Autriche, la Prusse et l’Italie, et de la confédération germanique, qui est dans une attitude indécise entre les deux catégories, la conférence, qui est officiellement annoncée et au moment de s’ouvrir, n’aura à traiter que certaines affaires désignées d’avance, celles qui ont mis les armes à la main des trois états engagés : les duchés de l’Elbe, la Vénétie, la réorganisation de la confédération germanique. Il était utile que le rôle de la conférence fût ainsi nettement limité, c’est la condition même d’une issue pacifique. Est-ce pourtant là tout ce qu’on peut demander ? Il semble que non. Une fois la guerre écartée, n’y aurait-il pas lieu de revenir à la pensée d’un congrès où toute l’Europe serait représentée, et qui se proposerait la tâche recommandée à l’Europe par l’empereur Napoléon III il y a trois ans, de dresser un acte qui désormais serve de base au droit public de l’Europe ? Pour une œuvre pareille, le concours de tous est indispensable.

Bien plus, les rapports des différens états de l’Europe se sont tellement multipliés, et par conséquent les sujets de discussion tendent tellement à être nombreux, qu’il faudrait à l’Europe une sorte de tribunal international où les différends viendraient se vider et