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la famille anglo-saxonne. Grâce à ces soldats d’une idée, la Grande-Bretagne règne sur beaucoup de territoires qu’elle n’a pas conquis, et ses armes spirituelles vont plus loin encore que ses étendards de guerre. Dans toutes les contrées les plus reculées, elle sème un livre qui la représente.

Chaque fois qu’il s’agit en Angleterre d’une œuvre vraiment nationale, ce n’est point le gouvernement, c’est la société qui intervient. On doit donc s’attendre à trouver les missions étrangères soutenues par les libres efforts et l’argent des différentes sectes religieuses. C’est à Londres que se concentrent les ressources et les principaux nerfs de ce grand mouvement de propagande. C’est là qu’il faut l’observer à son point de départ avant de suivre les voyageurs chrétiens dans l’exercice de leur périlleuse mission.


I

Un des quartiers de Londres les plus bouleversés par l’ouverture des nouvelles lignes de fer et par la construction des quais sur une des rives de la Tamise est sans contredit Blackfriars. Le fleuve, chassé d’une partie de son lit, resserré par un rivage artificiel sur lequel se déchargent de moment en moment des tombereaux de terre, se trouve en outre tourmenté par trois ponts qui se suivent à une distance de quelques mètres. De ces trois ponts, l’un, appuyé sur des colonnes de fonte, livre passage aux monstrueuses locomotives qui imitent en courant le bruit du tonnerre ; l’autre, en bois, conduit provisoirement d’une rive à l’autre les piétons et les voitures, tandis que le troisième n’est guère indiqué jusqu’ici que par de robustes piliers de granit s’élevant à fleur d’eau. Près du théâtre de ces travaux et de cette confusion babélique s’embranche à Bridge-street une ancienne rue, Earl-street, qui doit elle-même subir bien des changemens. On s’attend à ce que la ligne des quais en construction poussera plus tard vers la Cité un immense mouvement d’affaires, et pour ouvrir passage à cette marée d’hommes et de voitures le conseil métropolitain des travaux publics, metropolitan Board of Works, a résolu dernièrement de percer une longue et large voie qui reliera le nouveau pont de Blackfriars à la maison du lord-maire, Mansion-house. Pour faciliter le tracé de cette grande artère de communication, Earl-street doit à demi disparaître. Après tout, cette rue est peu regrettable ; parmi les bâtimens promis à une démolition prochaine, il en est un cependant qui mérite bien d’appeler notre attention. A l’extérieur, c’est une simple maison en brique n’ayant rien de très remarquable ; mais sur l’entrée on lit : Bible society. Là depuis près d’un demi-siècle trône un comité dont