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il fait voile dans un des vaisseaux de la société. Que trouve-t-il en arrivant ? Groupons, pour répondre à cette question, quelques détails empruntés aux correspondances. La côte d’Afrique apparaît dans toute sa magnificence sauvage. Des naturels, qui ont appris d’avance l’arrivée du nouveau missionnaire, se jettent à l’eau et plongent autour de la barque qui le conduit vers le rivage. D’abord tout lui paraît grandi tout lui semble nouveau : rien de ce qu’il voit ne ressemble, à ce qu’il a vu dans la pâle Angleterre. Des cocotiers qui se balancent au souffle du vent, de majestueux palmiers, tout un peuple de noirs, hommes, femmes, enfans demi-nus, une douzaine de langues qui heurtent leurs accens bizarres autour de ses oreilles et dont pas une n’est encore intelligible pour lui, telle est la scène étrange et pourtant émouvante qui le salue à l’arrivée. Il faut maintenant le conduire à sa nouvelle résidence, éloignée quelquefois de plusieurs milles dans les terres. Une maison, protégée contre les ardeurs du soleil par une véranda, se détache au milieu d’un groupe de huttes. Cette maison est désormais la sienne, et n’a point du tout mauvaise mine à l’extérieur. On pénètre dans la cour, et au pied des marches de pierre qui conduisent vers le rez-de-chaussée croît une belle fleur sauvage, une sorte de jasmin exotique. « Voilà qui est d’un bon augure, s’écrie la femme du missionnaire ; cette fleur nous souhaite la bienvenue ! » Et pourtant c’est l’absence de l’homme qui a donné à la plante le droit de s’introduire jusque sur le seuil de la maison déserte. A l’intérieur, tout respire un air de deuil et de consternation. Cette maison est celle d’un mort ; elle est restée dans l’état où l’a laissée le dernier soupir du dernier occupant. Le jeune ménage apprend ainsi du silence des lieux ce qui l’attend un jour ou l’autre dans ce climat fatal. On récrépit les murs, on nettoie le plancher, on ouvre les fenêtres pour faire rentrer dans cette tombe tous les souffles vivans de la nature. Après avoir pourvu aux premiers besoins du foyer domestique, le missionnaire se met joyeusement à l’œuvre. Ses devoirs consistent à surveiller l’école, où se rendent pendant la journée une centaine d’enfans noirs, et à prêcher la parole de Dieu. Bientôt pourtant ces humbles travaux ne suffisent plus à son zèle ; il lui faut étendre le champ de sa mission et atteindre des tribus voisines qui vivent quelque part dans l’intérieur du pays. Emmènera-t-il sa femme ou la laissera-t-il seule au milieu des noirs ? Le plus souvent elle l’accompagne dans ses courses.

Voyager dans l’ouest de l’Afrique n’est point, à vrai dire, une petite affaire. Les meilleures routes sont de simples sentiers à travers les déserts et les forêts, où les piétons s’avancent à la file portant chacun à