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poursuivi par une vague aspiration, avait traversé toutes les sectes et toutes les écoles pour découvrir, la lumière. Ce qu’il désirait maintenant était le repos de l’âme ; mais qu’il était loin d’y atteindre ! Pour calmer l’agitation de son esprit, un prêtre indien lui glissa dans l’oreille quelques monosyllabes cabalistiques. Ce remède, on pense bien, ne produisit point l’effet désiré. Un ascétique lui persuada que ces mots n’étaient point les bons, et que, s’il voulait apaiser les angoisses de son cœur, il devait répéter une autre formule. Trois ans se passèrent dans ces exercices avant qu’il connût et embrassât le christianisme, dans lequel, s’il faut en croire les missionnaires, il a enfin trouvé la paix intérieure. Ces conversions sont rares parmi les lettrés. Est-ce à dire pour cela que l’œuvre des missions ait été stérile ? Non vraiment. Le reflet des idées chrétiennes a dégagé dans le caractère asiatique les traits d’une morale plus élevée et forcé l’homme qui renonçait aux dieux de chercher une religion dans sa conscience. En fouillant les annales des croyances, on a d’ailleurs découvert que c’était l’idolâtrie qui était nouvelle aux Indes et le monothéisme au contraire qui était ancien[1].

Les missionnaires anglais dans l’Inde peuvent se diviser en nomades et en résidens. les premiers courent les villes et les campagnes de la péninsule. Mêlés à la population, ils prêchent au milieu des fêtes et des cérémonies publiques. On les trouve à la porte des temples, sur le passage du char de Juggernauth, dont les roues sanglantes écrasent des victimes humaines, au bord de la rivière Jumna, sur laquelle flottent des lampes allumées pendant la nuit et portées par des gondoles de paille en l’honneur de la déesse. Quelques-uns d’entre eux s’adressent surtout aux femmes du pays. La réclusion des Indiennes n’est ni aussi générale ni aussi sévère qu’on se le figure généralement en Europe. Les femmes des princes et de quelques riches mahométans ne sortent guère des gynécées, et encore ont-elles toujours la figure couverte d’un voile ; mais elles reçoivent des visites. Quant aux autres, elles traversent les rues ou les places publiques à presque toutes les heures du jour et vivent presque autant que les hommes en dehors de la maison. Plus d’un missionnaire prêchant en plein air découvre à une fenêtre durant ce temps-là une de ces brunes filles d’Eve qui écoute sans être vue de la foule. Le missionnaire marié possède d’ailleurs un autre moyen d’atteindre ces farouches infidèles : n’a-t-il

  1. Les Mahars, qui passent pour les habitans primitifs du pays, ont conservé l’idée d’un Dieu un et invisible. Quelques-uns d’entre eux, entendant les missionnaires prêcher l’Évangile, s’écrièrent : » Voila justement la doctrine que nous enseignent nos maîtres ! » Un des livres sacrés déclare même que le culte des images est une innovation et qu’on ne doit adorer qu’un être suprême.